LATITUDES

La saveur nostalgique des légumes oubliés

Réapparus sur les étals après des décennies d’invisibilité, ces étranges légumes aiguisent la curiosité des consommateurs, essentiellement urbains. Recettes.

Carotte jaune longue du Doubs, panais, pomme de terre suédoise bleue, betterave chiogga, arroche des jardins rouge…

Les légumes oubliés aiguisent de plus en plus la curiosité des consommateurs. Leurs formes biscornues et leurs couleurs étranges prennent désormais place jusque dans les étals des supermarchés.

«Ces variétés connaissent un intérêt croissant dans toute la Suisse, constate Denise Gautier, responsable romande de Prospecierara, une fondation de conservation des plantes de culture et des animaux de rente. Les habitants de milieux urbains se montrent d’ailleurs plus enthousiastes que ceux des campagnes qui les cultivent souvent eux-mêmes.»

Pour faire passer ces étranges végétaux du panier à l’assiette, Nabila Mokrani, cuisinière au restaurant neuchâtelois le Chauffage compris, et Bernard Delessert, maraîcher spécialiste des variétés rares, livrent ici une poignée de recettes.

Topinambour en crème

Surnommé «l’artichaut du Canada», le topinambour est découvert par Samuel de Champlain, le fondateur de la ville de Québec. Introduit en Europe au XVIIe siècle, il se diffuse rapidement grâce à sa culture aisée et à sa bonne résistance aux maladies.

Pour concocter une crème de topinambour, Nabila Mokrani conseille de faire revenir de l’échalote dans un peu de beurre avant d’y verser le légume pelé et coupé en morceaux. On y ajoutera ensuite une quantité d’eau suffisante avant de laisser mijoter le tout.

Une fois les morceaux bien cuits, on mixe l’ensemble avant de le réchauffer et de le servir avec un soupçon de crème. Pour la décoration, du persil plat haché et mélangé à de l’huile d’olive permettra de créer une émulsion, matière première pour dessiner des motifs à la surface de l’assiette.

Purée de panais

Les raves puis les pommes de terre et enfin les carottes ont fini par éclipser le panais, un légume originaire d’Europe centrale et qui était très populaire dès l’époque romaine. Tubercule au goût doux et piquant à la fois, il est riche en vitamines, sels minéraux, calcium et zinc.

Accompagnement idéal pour un gigot d’agneau, la purée de panais se mitonne facilement. Il suffit de cuire le légume à la vapeur ou à l’eau avant de le mixer et d’y rajouter un peu de crème avec du sel et du poivre. Attention pourtant à ne pas exagérer avec les épices, car, comme pour tous les légumes, le goût du panais est fin et sensible.

Une cuillère à glace permettra de réaliser des quenelles pour agrémenter la présentation. La purée offrira également un lit idéal pour y déposer un morceau de viande.

Salade de betterave Chioggia

Cette betterave tire son nom du petit village de pêcheurs de Chioggia situé sur la mer Adriatique au sud de Venise. Son originalité vient d’une chair tendre au goût doux-amer et traversée par des cercles concentriques blancs et rouges.

Pour mettre en scène ses anneaux bicolores, Nabila Mokrani suggère de couper le légume en tranches fines à l’aide d’une mandoline avant de les disposer esthétiquement dans l’assiette. On égrènera ensuite quelques copeaux de parmesan au centre avec des feuilles de cresson autour pour créer un contraste de couleurs. De l’huile de pistache et du jus de citron suffiront à agrémenter le tout.

Chips de pomme de terre suédoise bleue

Comme la plupart des pommes de terre, la variété appelée suédoise bleue vient d’Amérique et a été introduite en Europe aux alentours de 1540 par les Espagnols. Son arrivée en Suisse est certainement due aux Scandinaves qui l’auraient importé dans le pays. Après avoir disparu et réapparu à maintes reprises, elle connaît aujourd’hui un renouveau.

Si son goût ne diffère pas des autres pommes de terre, sa couleur tend à disparaître quand on la cuit. La préparer sous la forme de chips permet de garder sa teinte originale, ce qui est valable pour une majorité de légumes.

Une mandoline permettra de couper finement le tubercule. Les lamelles seront ensuite mises à frire dans un bain d’huile neutre telle que l’arachide ou le tournesol. Après la cuisson, on les déposera sur du papier ménage pour ôter les résidus d’huile avant de les saler.

Gratin de salsifis

Le salsifis est une racine originaire de Grèce et cultivée aujourd’hui dans toutes les régions tempérées. Habituellement brun, il existe aussi en noir sous le nom de scorsonère. Apprécié pour sa saveur délicate et sa chaire fondante, ce légume est très souvent utilisé en conserve.

Sa sève très collante rend le salsifis difficile à peler. Pour cette raison, Bernard Delessert conseille d’effectuer l’opération sous un filet d’eau. Une fois libérée de sa peau, la racine doit être coupée en morceaux qui seront mis à cuire dans une marmite remplie à un tiers d’eau et à deux tiers de lait. On les disposera ensuite dans un plat à gratin avant de recouvrir le tout de crème et de parmesan. Le plat sera ensuite glissé au four pour une dernière cuisson.