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L’Europe aux mains d’un Etat adolescent

C’est un tout petit pays (moitié moins étendu que la Suisse, trois fois moins peuplé) qui prend la tête de l’Union européenne en ce début 2008. La Slovénie. Qui sait où est la Slovénie?

A lire les journaux ces jours-ci, elle flotte entre l’Europe centrale et les Balkans sans que cela soit très clair. Et pourtant! Elle est à côté de Trieste, à deux pas de Venise…

Cette méconnaissance s’explique: la Slovénie a traversé l’essentiel du dernier millénaire accrochée aux basques de l’Empire germanique. En 1278, à l’époque où les Suisses rejetaient les Habsbourg, les Slovènes tombaient sous leur coupe.

Paysans soumis au servage jusqu’en 1848 (!), ils se tinrent cois, payant taxes et dîmes à leurs seigneurs teutons qui, à l’occasion, les envoyaient se faire charcuter sur quelque champ de bataille.

Parmi les Slaves du Sud (en français d’avant-hier: Yougoslaves), ils surent ainsi se faire oublier de la grande Histoire et, tels les Suisses chers à Victor Hugo auxquels ils ressemblent un peu, traire leurs vaches en regardant, eux aussi, passer l’Orient Express.

Leur grave erreur fut, au XIXe siècle, de se laisser séduire par les sirènes du nationalisme panslave et de croire que leur destin avait quelque chose à voir avec celui des Serbes et des Croates. A la chute des Habsbourg, après la Première Guerre mondiale, ils se laissent entraîner dans la chimère du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes qui les oriente vers les Balkans et ne leur vaut que des avanies.

En 1945, personne ne leur demande leur avis, ils sont Yougoslaves et communistes. Dès que l’étreinte se desserre, après la mort de Tito, ils commencent à lorgner vers l’Ouest. Après la chute du mur de Berlin et l’implosion du communisme, les Slovènes ne perdent pas de temps. Décidés à se sortir du pétrin, ils sont les premiers Yougoslaves à proclamer leur indépendance et à se libérer de l’emprise serbo-croate.

C’est donc un Etat âgé de 17 ans, historiquement adolescent, qui prend les rênes de l’Union. Son expérience de la démocratie est des plus limitées. Sa connaissance des arcanes de la diplomatie proche de zéro. Le réseau de ses relations extérieures à peu près inexistant. Entré dans l’Union européenne (et l’OTAN) il y a moins de quatre ans, il n’est dans la zone euro que depuis douze mois. C’est dire à quel point la présidence de l’UE est symbolique, voire décorative!

Ce système des présidences tournantes est un trompe-l’œil destiné à sauver les apparences démocratiques d’une Union qui ne l’est guère. En réalité, les grandes impulsions sont données par les Etats importants et les dossiers sont gérés par la bureaucratie bruxelloise qui organise elle-même les grands raouts où les 27 ministres concernés prennent les décisions.

Que la Slovénie assume la présidence au moment où les Balkans, avec la question kosovare, reviennent à la une de l’actualité n’a donc qu’une importance très limitée. Mais c’est un curieux retournement de l’histoire que de voir le premier sécessionniste devoir formellement gérer une nouvelle sécession, conséquence d’un processus qu’il mit en branle et qui n’est pas encore parvenu à son achèvement.

Dans les semaines ou les mois qui viennent, le Kosovo proclamera son indépendance. Les Anglo-Saxons et une majorité de l’UE donneront leur bénédiction déclenchant de vives réactions à Belgrade, Moscou et Pékin.

Mais les flonflons de Pristina à peine éteints, l’infernale sarabande indépendantiste reprendra juste à côté. On sait que les premiers sur la liste des viennent-ensuite sont les Serbes de Bosnie-Herzégovine, actuellement organisés dans la Republika Srbska.