Après le canyoning et le saut à l’élastique, le tourisme nucléaire réussira-t-il à séduire les amateurs de sensations fortes? Les offres, en tout cas, ne manquent pas. Les géants de l’atome se proposent d’enrichir le marché des loisirs en organisant des visites de centrales nucléaires, rélles ou virtuelles. Mais le grand frisson ne s’arrête pas là.
Peu après l’accident japonais de Tokaimura, les centrales françaises ont lancé une campagne de séduction massive. La publicité de la Cogema pose la question dans tous les journaux: «Y a-t-il une vie autre que nucléaire à la Hague?» Une photo de paisibles vaches broutant dans une prairie, au pied de l’usine, laisse entendre que la réponse est oui. Même si cette «autre vie» n’a pas l’air d’être trépidante.
Pour mieux démontrer qu’elle n’a rien à cacher, la Cogema invite la population à découvrir son usine de La Hague. Nul besoin de se déplacer puisque la visite à lieu sur le Net. On y apprend notamment que «le nucléaire est la solution d’avenir pour la production à bas prix de l’électricité». D’ailleurs, les atouts de l’atome ne sont-ils pas «l’absence d’émission de gaz à effet de serre et le non-gaspillage des ressources terrestres»?
La Cogema, qui dit accorder une importance majeure à la protection de la planète, garantit «zéro impact sur l’environnement». Mais la lenteur du site ne rassure pas vraiment sur les compétences techniques de ses ingénieurs. Des webcams devraient permettre prochainement de suivre en direct le traitement de l’uranium. A vérifier.
En Suisse, les clients des Forces motrices bernoises (FMB) viennent de recevoir une invitation beaucoup moins virtuelle: on leur propose la visite en chair et en os d’une centrale. A l’aube de la libéralisation du marché de l’électricité, les FMB entendent ainsi populariser leur activité atomique. La visite guidée de la centrale de Mühleberg veut montrer qu’il s’agit «d’une entreprise à visage humain, employant des personnes compétentes qui prennent leurs tâches au sérieux». Cela va tellement mieux en le disant… Pour Annemarie Schläfer, guide de l’expédition, «la radioactivité suscite une peur qui est peu rationnelle». La prochaine visite avec commentaire en français aura lieu le 4 décembre prochain.
Autre visite, autres visées, l’exposition interactive du Palais de la Découverte (à Paris jusqu’au 23 janvier 2000) présente un réacteur, un atome radioactif et un accident. Cette exposition conçue par l’Institut de protection et de sûreté nucléaires veut informer sur le fonctionnement des centrales, mais aussi sur leurs risques. Le visiteur peut même jouer au préfet confronté à un accident nucléaire.
En dernier lieu, si vous prenez goût au tourisme nucléaire, une adresse s’impose: celle du Bureau of Atomic Tourism, une agence spécialisée dans le tourisme sur des lieux irradiés par une explosion atomique. Qui dit mieux, en matière de destination vacancière, que l’atoll de Bikini, le Nevada, Hiroshima ou Nagasaki?
Je l’avoue, je suis une adepte passive du tourisme nucléaire. Les mesures de radioactivité opérées par des chercheurs français viennent en effet de révéler une atteinte diffuse mais parfois sévère des massifs jurassiens et vosgiens. Mes ballades entre les sapins sont au top de la cotation: 10’000 becquerels par endroit, alors que la valeur de tolérance est de 600. Le nuage de Tchernobyl a trouvé sur ces massifs montagneux une terre d’élection.
Une cartographie de la région est en cours d’élaboration. Elle permettra au promeneur de repérer le césium 137 et de se déplacer au gré de ses envies entre les «taches de léopard» (zones à très forte contamination) tout en dégustant champignons et myrtilles, grands capteurs de nucléides. Pour finir la journée, on lui conseillera l’entrecôte de sanglier, une spécialité de la région qui lui vaudra 1700 becquerels supplémentaires.