Certains y jouent de la musique ou y entreposent leur affaires de ski, d’autres s’en servent comme d’une cave à vin, mais rarement comme d’un espace de relaxation…
Il suffisait pourtant d’y penser. Car l’abri antiatomique (encore obligatoire en Suisse dans toutes les habitations) a toutes les caractéristiques requises pour accueillir un agréable sauna.
Une idée digne du meilleur Gaston Lagaffe? Que nenni, plutôt «l’utilisation pragmatique d’un espace condamné», selon les termes de cette habitante de Lutry, qui vient d’installer un sauna dans son abri: «La réglementation ne permet pas de toucher à la structure même de l’abri. Il est interdit, par exemple, de poser du carrelage, mais rien n’empêche d’aménager un sauna amovible», explique la propriétaire.
C’est l’entreprise Fitconcept, basée à Gland (Vaud), qui s’est chargée de l’installation. «La loi stipule que l’abri doit pouvoir être opérationnel dans les 24 heures. Dans le cas présent, rien n’est fixé au sol ou au mur, assure Philippe Ducret, directeur de la société. Il s’agit d’un sauna en bois qui s’assemble en une demi-journée et peut se démonter en une heure environ. Pour l’alimentation du four, nous avons utilisé les trous déjà percés pour les prises de courant.»
De quoi passer l’hiver au chaud, moyennant un investissement somme toute raisonnable, surtout si l’on tient compte du prix de l’abri lui-même (entre 3 et 5% du coût total d’une maison):
«Pour un modèle d’entrée de gamme (120cm x 120cm) il faut compter 4’500 francs, détaille Philippe Ducret. A partir de 6’000 francs (200cm x 200cm), il devient possible de s’allonger.» En version haut de gamme, avec étagères et minibar, le sauna démontable se négocie autour de 35’000 francs, prix catalogue.
Joint par téléphone, le conseiller national sortant Pierre Kohler s’amuse de ce recyclage «inattendu», lui qui avait milité pour que les abris atomiques cessent d’être obligatoires. Contre l’avis du Conseil fédéral, le parlement a d’ailleurs abondé dans le sens du Jurassien, le 13 juin 2006, en acceptant son initiative.
Ainsi, les particuliers ne seront bientôt plus obligés de construire des abris de protection civile. Ni de payer une taxe compensatoire s’ils n’ont pas réalisé ces infrastructures.
Le nouveau règlement ne sera toutefois pas entériné avant le milieu de l’année prochaine, dans le meilleur des cas, selon André Spühler, chef de la planification et de la gestion des infrastructures à l’Office fédérale de la protection de la population: «La commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats veut un état des lieux précis. Elle attend un rapport de la part du Conseil fédéral», explique le responsable.
Concernant les abris antiatomiques déjà construits, la loi ne devrait pas évoluer. Le sauna démontable a donc de beaux jours devant lui.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 14 décembre 2007.