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Lanvin: retour en première classe

La robe de satin violet au col drapé d’un large volant et la frange des mannequins coupée à la va-vite, ont battu tous les records de parution dans les magazines de l’hiver 2007. Pourquoi? Parce que cet hiver, c’est Lanvin qui incarne la mode, le luxe. Non pas celui d’une célébrité people un peu voyante, mais un chic à la française, improvisé à partir d’une jupe noire et d’un chemisier de satin, avec du rouge à lèvres et une paire de chaussures à hauts talons. Rien n’est parfait, tout semble ajusté selon une logique aléatoire et c’est précisément ce dont raffolent les rédactrices, un chic sans ostentation et néanmoins ultra luxueux qui fait aussi chavirer les clientes.

Depuis l’arrivée du créateur américano-israélien Alber Elbaz, Lanvin est à nouveau sur la Hot List des défilés et après un décennie ponctuée par les changements de créateurs, la plus ancienne marque de luxe parisienne vise les 150 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la fin de l’année. Rachetée en 2001 par le magnat de l’édition taiwanaise Shaw-Lan Wang, la maison Lanvin s’est également attaché les services d’un nouveau directeur en la personne de Paul Denève, qui s’est distingué ces trois dernières années en relançant la marque Nina Ricci. Avec 400 points de vente dont 20 en Chine et plus de 30 magasins dans le monde, Lanvin fait partie de cette nouvelle galaxie du luxe globalisé, où stratégie commerciale et talent sont désormais indissociables.

La célébrité d’Alber Elbaz a d’ailleurs largement dépassé le périmètre de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Depuis la parution de son portrait par Irving Penn dans Vogue USA, il a su se créer un look, une image de marque. Avec son nœud papillon et son pantalon aux ourlets coupés à la cheville, il fait désormais partie des figures de la mode qui distribuent les autographes dans la rue. Une image décalée jouant dans le registre de l’ironie et que l’on reconnaît dans tous les événements chics, de New York à Beijing. Mais au-delà de son apparence, Alber Elbaz est aussi passé maître dans l’art de communiquer avec la presse, dans un mélange d’humour et de poésie terriblement efficace.

Cette relation privilégiée avec les médias ne date pas d’hier, puisque dès son arrivée à Paris à la tête de la maison Guy Laroche en 1997, la presse américaine est subjuguée par ses tailleurs de taffetas aux pantalons corsaires coupés sous le genou. Pourtant, c’est lorsque Pierre Bergé le nomme à la direction du prêt-à-porter Yves Saint Laurent qu’il va connaître la consécration. Pour une durée limitée, puisque deux ans plus tard, c’est Tom Ford qui le déloge en rachetant la marque. Après un passage éclair aux commandes de la griffe italienne Krizia, le créateur prend la direction artistique de Lanvin en 2001.

Né à Casablanca, Alber Elbaz grandit à Tel Aviv, où il suit les cours de mode au Shenkar College of design. «J’aurais voulu être médecin, pour faire du bien autour de moi», expliquera plus tard ce créateur sensible et ambitieux. Mais c’est à New York qu’il s’installera finalement, et restera sept ans auprès du couturier de la haute société, Geoffrey Beene.

Si Lanvin n’a pas encore sorti de IT bag, en revanche, sa ligne de chaussures remporte un succès stratosphérique. Les escarpins constructivistes en verni fluo et talons vertigineux ont fait la Une des cahiers d’accessoires, et à chaque collection les chaussures provocantes contrebalancent la distinction des vêtements. Autre succès maison, la ligne pour homme signée Lucas Ossendrijver qui fait partie des collections les plus prescriptrices de tendances. Les manteaux pour homme de lainage bleu marine aux coupes ultra classiques se portent avec des pantalons de jogging, dont la souplesse est déjà copiée partout, tandis que le costume réglementaire ne sort dans la rue sans être accompagné de baskets de satin.

Ce mélange de désinvolture et de rigidité haute couture se retrouve aussi dans la collection d’hiver 2007. Après les robes de mousseline noire aux ourlets déchirés et les impressions pop art, Alber Elbaz a trouvé son style. Pas de reconstitutions historiques, ni de robes longues pour événements red carpet chez Lanvin cet hiver, mais des ensembles aux proportions parfois austères, portées à même la peau, avec des bottines de verni à semelles compensées, toujours à la lisière du bien et du mal.

«Construire une marque prend du temps, parce que dans la vie, tout ne se fait pas comme un café instantané», expliquait récemment Alber Elbaz au Woman’s Wear Daily, «la beauté de la marque Lanvin, c’est que l’on ne la trouve pas n’importe où. Et que n’importe qui ne s’habille pas chez Lanvin».

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Une version de cet article est parue dans le magazine Trajectoire d’hiver 2007.