A peine créée, la jeune entreprise Ecointesys Life Cycle Systems ne cache pas ses ambitions mondiales: les responsables de cette spin-off de l’EPFL estiment qu’ils sont d’ores et déjà, par leur crédibilité, parmi les meilleurs spécialistes de l’établissement d’écobilans, une activité en pleine expansion avec la prise de conscience des périls environnementaux. Si l’effectif actuel est de quatre personnes, il devrait rapidement croître pour faire face à la demande.
Ecobilan? Cette méthode mesure l’impact sur l’environnement d’un produit ou d’un service pendant tout son cycle de vie, de l’extraction des ressources à l’élimination des déchets. Elle dépasse donc largement l’activité de l’entreprise.
Il n’est pas rare, par exemple, qu’un produit comme une ampoule ait un impact bien supérieur lors de l’utilisation que pendant sa production. L’entreprise doit en tenir compte lorsqu’elle évalue ses performances environnementales et qu’elle cherche à les améliorer.
Après quinze mois d’existence, Ecointesys a déjà parmi ses clients des marques qui feraient rêver bien des entreprises en démarrage: Nestlé, Swisscom, Merck-Serono. France Télécom, la Confédération suisse, la Ville de Genève, l’Etat de Vaud…
«Il y a une très forte demande, commente le directeur, Yves Loerincik. Les clients viennent à nous sans que nous ayons besoin de les démarcher.» Ecointesys affronte certes la concurrence de consultants proposant également des écobilans, mais «nous avons l’avantage d’être reconnus pour notre background et notre expertise scientifique».
Car l’équipe d’Ecointesys ne tombe pas de la dernière pluie. Docteurs pour la plupart, ses membres sont issus du groupe de recherche Life Cycle Systems and Industrial Ecology de l’EPFL et de l’antenne romande de l’entreprise Ecointesys SA.
C’est là que se sont développés les outils les plus pointus d’établissement d’écobilans, sous la direction d’Olivier Jolliet, l’un des pionniers de cette méthode (lire interview ci-dessous). Seul l’un des fondateurs, Yves Loerincik, travaille à plein temps dans l’entreprise. Mais les six autres, y compris Olivier Jolliet, mettent ponctuellement leur expertise à la disposition de la société.
La réponse du marché n’étonne pas Yves Loerincik: «Qui peut encore dire que la prise de conscience écologique n’est qu’une mode? Depuis plusieurs années, les entreprises ont compris qu’elles devaient empoigner le problème. L’approche peut être éthique. Elle est aussi souvent liée à la stratégie de communication de l’entreprise, qui va à la rencontre de la demande des consommateurs. La plupart du temps, il y a un mélange des deux.»
Les entreprises s’aperçoivent aussi que la démarche liée à un écobilan constitue un puissant moyen de motiver les collaborateurs. Elles cherchent aussi à limiter leurs coûts (énergie, déchets à éliminer, etc.). Et plus généralement, elles préparent l’avenir: «Je suis persuadé que dans dix ou quinze ans, affirme Yves Loerincik, les entreprises devront publier une comptabilité environnementale. A plus long terme, leurs impôts pourraient en dépendre.»
Aujourd’hui déjà, de nombreux investisseurs jugent les sociétés selon de tels critères. «Tout le monde veut avoir une vision des impacts.» Une vision que, précisément, les écobilans offrent.
Les écobilans d’Ecointesys mettent en évidence quatre indicateurs clés: les impacts sur la santé humaine, sur la qualité des écosystèmes, sur les ressources et sur le climat. Un diagnostic synthétique qui facilite l’analyse et la prise de décision par les entreprises.
Celles-ci, surtout les PME, peuvent en outre acquérir sur internet un logiciel nommé «green-e» leur permettant, après formation, d’établir leur propre écobilan et de le voir évoluer au fil des ans. Là encore, le site de production n’est qu’un des éléments pris en compte, aux côtés des fournisseurs, des déchets et de l’utilisation des produits par les clients.
Chez Ecointesys, un écobilan sur un produit peut coûter, en fonction de la taille de l’entreprise et de la complexité du travail, entre 3000 et 150 000 francs. Pour un écobilan d’entreprise, il faut compter entre 10 000 et 60 000 francs.
Pendant leurs études et leurs travaux de recherche, les fondateurs d’Ecointesys étaient bien loin de penser qu’ils allaient un jour faire de leur savoir un business.
«Nous travaillions presque par idéal, se souvient Yves Loerincik. Nous étions tous passionnés d’environnement et persuadés qu’il fallait faire avancer les choses. Aujourd’hui, la prise de conscience est tellement forte qu’il est devenu possible de gagner de l’argent grâce à notre expertise. Cela dit, notre motivation de départ est demeurée: nous voulons agir pour éviter que nous nous trouvions un jour au pied du mur.»
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«Un véritable boom aux Etats-Unis»
Après avoir donné des impulsions décisives au développement des écobilans à l’EPFL, Olivier Jolliet est maintenant professeur à l’Université de Michigan (Etats-Unis), où il poursuit ses travaux. De ce poste d’observation, il constate un véritable boom des écobilans sous la pression des consommateurs. Mais les spécialistes compétents, dont il fait partie, sont rares. Interview.
Quand les écobilans sont-il nés?
Le premier a été commandé par Coca-Cola en 1969. La multinationale voulait connaître l’impact des déchets qu’elle produisait sous forme de bouteilles. Mais les vrais pionniers ont été les Pays-Bas, le Danemark et la Suisse, qui a joué un rôle important grâce aux impulsions données par l’Office fédéral de l’environnement. Les années 1990 ont été marquées par un perfectionnement et une systématisation des méthodes.
Et quels sont les pays qui utilisent le plus l’outil de l’écobilan aujourd’hui?
D’abord le Japon, car cette méthode correspond bien à la mentalité industrielle japonaise d’optimisation. Ensuite, la Suède, le Danemark, la Hollande et la Suisse. Actuellement, on assiste à un véritable boom aux Etats-Unis. La pression des consommateurs, relayée par les distributeurs, oblige les producteurs à agir. Ici comme ailleurs, les clients ne se contentent plus qu’on leur dise qu’un bien est durable. Ils veulent qu’on le leur prouve.
Quels sont les atouts d’Ecointesys?
L’entreprise se trouve à l’interface d’un milieu académique et des entreprises. Elle dispose ainsi de méthodes particulièrement innovantes et fiables. Elle met à disposition des outils quantifiés. Enfin, elle est en mesure de réaliser des écobilans de l’ensemble d’une entreprise, et non seulement de ce qui y est produit.
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