TECHNOPHILE

La nouvelle vie des photos de vacances

Le numérique a bouleversé les habitudes de consommation. Les clichés imprimés sur papier se font de plus en plus rares, tandis que les nouveaux modes de visualisation et les supports se multiplient. Tour d’horizon.

La Terre n’a jamais hébergé autant de photographes. Les ventes d’appareils numériques ne cessent de croître, tandis que les nouveaux téléphones mobiles rivalisent, avec des résolutions de plusieurs millions de pixels et des lentilles toujours plus performantes.

Tous ces clichés numériques s’accumulent sur les cartes mémoires, puis les disques durs. Comment tirer le meilleur parti de ses photos personnelles? Traitement, stockage, visualisation, tour d’horizon des nouveaux outils et supports.

Le stockage et l’édition

«Beaucoup d’usagers laissent traîner leurs photos sur la carte mémoire de leur appareil et ne les exploitent que très mal», constate François Cuneo, spécialiste romand du numérique. Etapes essentielles: le traitement, la sélection et le classement des images. Avec un minimum de rigueur, le transfert des données sur le disque dur d’un ordinateur et la sélection constituent le premier pas. Pour le traitement et l’archivage, François Cuneo recommande le logiciel Lightroom (Adobe), qui fait désormais l’unanimité chez les professionnels et les amateurs éclairés.

«Il s’agit d’un outil tout-en-un extrêmement convivial. Par rapport aux programmes livrés en standard avec les appareils numériques du marché, Lightroom cumule les avantages, dont celui de fonctionner comme une vraie base de données. C’est un catalogueur très efficace, qui propose en plus des fonctions de retouche d’image. Rien de plus simple, par exemple, que de modifier la saturation des couleurs, ajouter un soupçon de contraste ou accentuer l’étincelle d’un regard.» Ce programme très complet coûte 250 francs, ce qui peut sembler cher mais reste raisonnable en comparaison de Photoshop (Adobe), l’outil de référence des photographes professionnels (1500 francs).
L’étape de l’archivage offre l’occasion de faire le tri, car la mitraille constitue la conséquence principale de l’avènement du numérique: pour la moindre balade en famille, on se retrouve avec 300 images. «Mieux vaut sélectionner les plus belles, quelques dizaines, puis les recadrer et les traiter. Le résultat sera beaucoup plus percutant.» Un bon conseil: sauvegarder ensuite sa banque d’images sur d’autres supports (CD, DVD) ou, encore mieux online, afin d’en garantir la pérennité.

Le partage online

Fini les soirées diapos, la photo se partage désormais sur internet, aussi bien avec ses amis que des inconnus. Pionnier du genre, et devenu la plate-forme la mieux construite, Flickr.com réunit des dizaines de millions d’internautes, qui y stockent et partagent leurs clichés en toute convivialité. Apparu en 2004, puis racheté par Yahoo!, Flickr permet de classer, héberger en haute résolution et diffuser gratuitement ses images en leur associant des mots-clé.

Le système, disponible en français depuis juin, formate automatiquement les images en plusieurs résolutions, afin d’en faciliter la consultation et le téléchargement. Il permet de les classer dans des albums et de les retrouver grâce aux mots-clé. Pour un forfait annuel d’une vingtaine de dollars, la capacité de stockage est augmentée. Pour préserver la confidentialité de ses photos, le membre Flickr peut en interdire la diffusion publique ou la limiter à ses proches (qui devront cependant aussi être membre). La gestion des droits de reproduction est aussi proposée.

L’un des attraits d’un tel photoblog vient de l’interactivité avec les visiteurs. «Avec la montée en puissance de ce type de plateforme, on constate que la qualité générale des photos progressent, note François Cuneo. Car c’est stimulant et amusant de lire les commentaires des amis et des inconnus. Personnellement, je continue à progresser en écoutant les remarques que m’adressent les autres utilisateurs. C’est un enrichissement.»

En poussant le raisonnement, certains amateurs se mettent à commercialiser leurs images. Le site Photostockplus.com a fait une spécialité de ce nouveau business, et les organes de presse n’hésitent plus à y recourir, ce qui place les photographes professionnels devant une nouvelle concurrence.

Dans un genre plus communautaire, l’intoncournable Facebook.com connaît un succès croissant, mais les photos s’y stockent en basse résolution. Plus largement, MySpace et les blogs généralistes s’utilisent aussi comme plate-forme de diffusion d’images personnelles.

Photobooks et tasses à café

Sérieusement menacés par la vague du tout virtuel, les laboratoires photo n’ont pas dit leur dernier mot. Ils ont diversifié leurs offrent en proposant l’impression sur des nouveaux supports. C’est désormais le format «album» (ou photobook) qui a le vent en poupe: après avoir téléchargé un petit programme, l’usager compose librement son livre sur son ordinateur. Il reçoit ensuite par la poste un album relié, magnifiquement imprimé. Un bel objet. «Les photobooks connaissent un immense succès et sont numéro un des ventes sur l’ensemble de la saison estivale, confie Philipp Schwarz, CEO de Photocolor. Avant les fêtes de fin d’année, en toute logique, ce sont les calendriers qui représentent le gros du chiffre d’affaire.»

D’une adresse à l’autre (Fotolabo, Migros, etc.), les prix s’échelonnent d’une dizaine de francs à plus de trois cents francs, selon la qualité des produits et – pour les albums – le nombre de pages désirées. Certains sites se spécialisent dans le haut de gamme, à l’instar de PrintMyPhotoBook.ch qui, outre des albums photos classieux, propose carrément l’impression sur toile tendue sur châssis de bois (compter 315 francs, tout de même, pour le format 120 x 120 cm).

«Grâce à l’augmentation de la vitesse des connections, il est devenu très commode de profiter de ces services, souligne Philipp Schwarz, à Photocolor. Une minorité de clients nous envoient encore des CD ou des DVD. Les trois quarts transmettent désormais leurs données par Internet.»
D’autres jouent la carte de la personnalisation à outrance, avec des supports inattendus. Sur la communauté smugmug, on peut décliner ses photos sur des tasses à café, des tapis de souris, des cartes à jouer, etc. Pour les T-shirts, on peut se tourner vers le suisse Cosimoo.com parmi d’autres. Certains préfèrent le grand format et se rendront sur Colormailer.ch ou dans un centre d’impression numérique, comme Kis à Genève, qui imprime des posters très larges.

Impression à domicile

Certains photographes préfèrent néanmoins garder le contrôle jusqu’au dernier maillon de la chaîne de production, et acquièrent une imprimante couleur. Pas étonnant que le commerce du développement de film sur papier a du plomb dans l’aile (-35% de commandes en un an, confie le CEO de Photocolor). «La technologie dite à sublimation thermique, accessible à domicile, offre désormais une qualité similaire à celle proposée par les laboratoires professionnels, relève François Cuneo. De plus, les couleurs résistent bien à l’épreuve du temps. Mais même si le coût d’une imprimante reste relativement bas, de l’ordre de 150 francs (environ 800 francs pour le format A3+), les frais d’impression restent élevés à cause du papier et des cartouches d’encre: il s’élève à environ 50 centimes par image. Kodak vient tout juste de lancer une nouvelle imprimante qui permet d’abaisser le prix à environ 20 centimes la photo, mais il est probable que la qualité en souffre légèrement.»

Du côté des laboratoires professionnels, le coût d’une photo au format 10×15 avoisine désormais les 15 centimes. «L’impression a domicile demeure plus onéreuse mais elle offre certains avantages, souligne encore François Cuneo. On dispose immédiatement des photos et il est facile d’effectuer des retouches si une sortie ne donne pas satisfaction. Pour ma part, j’affectionne les petites imprimantes portables. J’aime bien, par exemple, imprimer mes cartes postales directement depuis mon lieu de vacances!»

Show audiovisuel sur écran

C’est clair, avec le numérique, développer ses clichés sur papier devient l’alternative la moins courante. De plus en plus d’usagers visionnent leurs images directement sur l’écran de leur PC, leur téléviseur (certains appareils photos ou laptop s’y connectent directement) ou, mieux, via un projecteur.

Pour aller un peu plus loin, et scénariser la visualisation de ses photos, il existe divers logiciels peu onéreux (dès 40 francs), à l’instar de «Photo to movie» ou de «Pulp Motion», qui permettent de composer facilement des diaporama: zooms, travellings, déformations et transitions en tout genre, il y a de quoi trafiquer. D’autant qu’il est aussi possible d’inclure des sources sonores.

Reste finalement à diffuser sa création. En fonction du support désiré, les logiciels précités sélectionnent automatiquement le format de compression le plus adapté. L’option traditionnelle, mais qui permet de conserver une qualité optimale, consiste à graver un DVD ou un CD Video, ou encore stocker les photos sur une clé USB. Si l’on choisit d’envoyer son diaporama par email, ou de le poster sur un blog ou une plateforme communautaire, il faudra logiquement s’accommoder d’une résolution plus basse.
Le cadre photo posé sur la commode a lui aussi trouvé son descendant numérique. Pour prendre vie et dérouler son diaporama, il se nourrit de cartes mémoires (certains modèles acceptent aussi les clés USB). Sur les modèles les plus récents, les images s’y envoient par Bluetooth ou Wifi.

Le cadre numérique présente donc un avantage évident: celui de ne jamais lasser son propriétaire, grâce à un flux incessant d’images. En outre, l’utilisateur peut choisir le temps qu’il souhaite voir s’écouler entre chaque image, ou encore le type de transition désirée. Le cadre numérique s’impose comme le dernier accessoire de style d’un intérieur moderne. Seul défaut, il nécessite une alimentation et doit donc rester proche d’une prise électrique. Ceux qui fonctionnent sur batterie ne bénéficient que d’une autonomie dérisoire, soit à peine plus d’une heure. Choisir un format adapté, parmi les trois tailles disponibles (4/3, 3/2 et 16/9). «Dans tous les cas, le format 16/9 est à proscrire car il ne correspond pas à celui de la photo, prévient François Cuneo. Et avec un reflex, pour éviter les bandes noires de côté, mieux vaut opter pour le 3/2.»