Vive, belle, féminine, remarquablement intelligente, mais aussi simple et directe: Serene El Masri impressionne dès les premiers instants de la rencontre. Pas seulement parce que, à 33 ans, elle règne sur une équipe de 65 personnes, dans un domaine stratégique, au sein de la filiale suisse de BNP Paribas. Il se dégage d’elle une autorité naturelle et une force vitale exceptionnelles.
La spécialité de Serene El Masri? La gestion de la fortune des ultra-riches européens, russes et arabes. Ce club, celui des UHNWIs ou Ultra High Net Worth Individuals, est réservé à des familles disposant de plus de 250 millions d’euros. De plus, il faut que celles-ci confient à la banque française au moins 25 millions d’euros. Moyennant quoi elles bénéficient notamment, par rapport aux simples «rich», d’un traitement accéléré de leurs demandes et d’une surveillance particulière de leurs opérations ainsi que d’une communication plus étroite avec les gérants. Enfin, ces clients ont à leur disposition non seulement des spécialistes de la gestion de fortune, mais aussi toutes les autres capacités du géant bancaire. Aide à la recherche de biens immobiliers, mise à disposition de nounous ou de jardiniers, organisation de voyages, conseils fiscaux et juridiques sont quelques autres avantages dont bénéficient les ultra-riches.
Ce service global, baptisé «Advisory Partnership», est particulièrement apprécié par une clientèle constituée essentiellement de «nouveaux» riches, donc d’entrepreneurs, et non d’héritiers se contentant de la gestion de leur argent.
Comment une docteur en droit de la Sorbonne en est-elle arrivée à cette fonction très pointue? L’entregent de Serene El Masri est sans doute pour beaucoup dans son succès. Sa force de travail aussi. Mais elle insiste surtout sur son cosmopolitisme. Cette Libanaise (même si son nom veut dire «L’Egyptienne») parle couramment quatre langues – l’anglais, le français, l’italien, l’arabe – et se débrouille très bien en espagnol.
Elle a vécu entre autres à Beyrouth, Athènes, Rome, Paris, Londres, New York et Caracas, «parce que mes parents nous ont fait mener une vie de fous», résume-t-elle. Une vie à laquelle elle a pris goût, ce qui lui a permis de développer une adaptabilité très précieuse dans son travail. Adaptabilité culturelle, mais aussi variété des goûts et des intérêts. Sa courte carrière l’a notamment amenée à travailler au Ministère français de l’environnement et à l’OCDE. Elle a aussi tâté de l’enseignement universitaire. Puis elle a gravi à vive allure les échelons à BNP Paribas. Un CV à couper le souffle.
Serene veille à ce que les membres de son équipe soient capables de travailler dans le même esprit qu’elle: «Il ne faut surtout pas qu’ils soient coulés dans un moule. Ils doivent être le plus internationaux possible. J’ai besoin de m’entourer de personnes de nationalités et de confessions différentes et qui comprennent celles des autres.»
Les ultra-riches dont s’occupe Serene El Masri sont principalement arabes, russes, ukrainiens, turcs, grecs et espagnols. «Ils sont entourés de conseillers et leur niveau d’éducation financière est très élevé.» Autant dire qu’ils exigent d’avoir affaire à des gérants, mais aussi à d’autres prestataires de services très compétents. Outre son expertise de banque privée, BNP Paribas apporte des solutions dans le financement commercial, le corporate finance, le financement des activités de shipping ou encore de négoce. «Il ne s’agit pas de clients classiques d’une banque privée. Ce sont des privés, mais ils se comportent comme des institutionnels, avec des prises de risques importantes. Ces entrepreneurs sont notamment moins à la recherche du secret que les détenteurs d’argent hérité apprécient dans les banques privées suisses traditionnelles.
Mais les nouveaux riches ne sont pas sans risque: «Nous le reconnaissons, dit Serene El Masri. C’est pourquoi nous avons une vigilance très grande sur l’origine des fonds, avec un avantage certain: BNP Paribas, en tant que grande banque universelle, connaît beaucoup de clients qu’elle a accompagnés depuis les débuts de la création de leur fortune.»
Certains clients, les Russes et les Ukrainiens surtout, souhaitent s’installer en Suisse. «Il règne encore dans leur pays une grande instabilité. Ici, ils recherchent la sécurité, pour eux-mêmes, pour leur famille et pour leur patrimoine. Ils créent souvent des holdings chapeautant leurs activités. Nous les y aidons. Quand c’est possible, nous les accompagnons aussi dans leurs démarches pour obtenir un permis d’établissement.»
Etre une femme face à des clients arabes ou russes, n’est-ce pas un handicap? «Pas du tout. J’ai parfois eu des problèmes de machisme à l’intérieur de la banque, mais pas auprès des clients. Je rentre de Turquie, un pays dont la population masculine n’est pas réputée pour son féminisme. Eh bien, tout s’est bien passé. Si la qualité des conseils et des services est au rendez-vous, la barrière des sexes s’efface.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Trajectoire d’automne 2007.