LATITUDES

Loin du monde, moments de grâce au monastère

Près de Fribourg, l’abbaye d’Hauterive accueille les personnes en quête de sérénité pendant quelques jours, en toute liberté. Ils en ressortent transformés. Témoignages.

«Je suis venu ici sans téléphone mobile, sans bouquin, sans stylo, sans rien». Une semaine plus tard, Jean-Daniel Tissot est rayonnant. Ce médecin-chef au CHUV se dit enrichi par son séjour à l’abbaye d’Hauterive, près de Fribourg.

«J’ai reçu tellement de choses! Les messages qui nous sont destinés sont d’une immense richesse. C’est la première fois que je participe à la vie d’un monastère et tant de spiritualité m’a submergé.»

Jean-Daniel Tissot a joué le jeu jusqu’au bout, même si les Pères n’en exigeaient pas tant. Il a participé à tous les offices religieux, y compris aux Vigiles à 4h15 du matin et les Laudes à 6h30. Tout cela en écoutant les chants grégoriens, en français et en latin, ce qui l’a incité à lire les psaumes dans le texte.

«J’ai été envoûté par ces rites.» Sans rester toutefois insensible aux aspects plus matériels du séjour: «Ah, ces potages! Je n’en avais plus mangés de tels depuis bien longtemps. Et je n’ai jamais aussi bien dormi depuis l’enfance.» Il a trouvé l’accueil «extrêmement chaleureux». «Les pères et les frères sont délicieux et cultivés. J’ai pu parler avec certains d’entre eux et ils m’ont beaucoup apporté.»

Comment en vient-on, quand on exerce une profession surtout scientifique, à se lancer dans une telle aventure? «Des épreuves dans ma vie privée, confie Jean-Daniel Tissot. Je me suis alors rendu compte que j’avais peu utilisé jusqu’ici mon potentiel spirituel. Je suis catholique, mais non pratiquant. J’ai décidé de venir ici parce que je sentais que j’en avais besoin.» Pour trouver la foi? «Ce n’était pas le but, mais je crois que j’ai trouvé quelques réponses à l’abbaye d’Hauterive.»

Le monastère — une ancienne école normale transfomée en 1939 — est enchâssé dans une cuvette creusée par la Sarine, particulièrement charmante en ce lieu. Les hôtes sont hébergés dans des chambres confortables de l’imposant bâtiment central, dans un espace strictement séparé de celui où les moines vaquent à leurs activités intellectuelles et spirituelles.

Les repas sont pris en commun, dans le silence. Pour le logement et la pension, le prix n’est que que de cinquante francs. Les moines, d’obédience cistercienne, tiennent à ce que les retraites soient accessibles aux plus modestes.

L’hôtellerie leur rapporte cependant un peu d’argent pour couvrir une partie de leurs modestes besoins. Ils vivent aussi de l’élevage de vaches du Charolais. Les moines exploitent en outre un magasin monastique pour les gens de passage, dont ils tirent l’essentiel de leurs revenus. Et un grand potager leur fournit les légumes nécessaires à la préparation du potage cher à Jean-Daniel Tissot.

Jean-François Fournier, nouveau rédacteur en chef du quotidien valaisan Le Nouvelliste, a régulièrement séjourné à l’abbaye d’Hauterive: «Pour des travaux difficiles, notamment pour écrire des romans, l’ambiance monastique m’a beaucoup aidé. Elle est propice à la réflexion.»

Le journaliste a apprécié aussi l’extrême liberté laissée aux visiteurs par les moines: «Ils ne nous obligent à rien. Ils respectent nos choix, ce qui par parenthèse donne envie d’aller vers eux. Mais des échanges sur des sujets religieux n’ont lieu qu’à la demande du retraitant.»

Jean-François Fournier a aussi aimé le calme des lieux: «A Hauterive, on est protégé des pollutions sonores et visuelles de la vie moderne. J’aime ce silence et cette paix. Ils nous nettoient. C’est un luxe extraordinaire, qu’on ne trouve ailleurs que dans des auberges de montagne, hors-saison, et encore.»

Le père abbé Mauro Lepori rappelle que depuis le Moyen Age, l’accueil de visiteurs a pour but de leur permettre de retrouver des forces et de redonner un sens à leur vie: «Nous sommes là pour les faire bénéficier de notre existence, de notre relation avec Dieu. Certains ne viennent que pour trouver du repos, ce qui est aussi une recherche de sens. Mais nous redoutons les «touristes», c’est-à-dire ceux qui ne cherchent qu’eux-mêmes. Ils viennent ici comme à la plage. Heureusement, il ne sont pas très nombreux: il y a assez d’hôtels qui ont plus de commodités que notre hôtellerie!»

Mauro Lepori affirme qu’il y a de nombreuses conversions ou reconversions durant des séjours à Hauterive. Il constate aussi que les protestants, qui n’ont pas cette possibilité dans leur confession, sont nombreux à venir en retraite.

Et il relève que beaucoup de déçus des religions orientales reviennent au catholicisme: «Ils se rendent compte que c’était une fuite. Ici, ils redécouvrent une religion qui passe par le réel et qui correpond à leur culture.»

De manière générale, «les haltes monastiques prennent de l’ampleur malgré la déchristianisation de l’Occident. Les monastères ne connaissent pas la crise que traversent les paroisses et la plupart des institutions. Ils deviennent un peu les centres qu’ils étaient au Moyen Age, des lieux vers lesquels on vient de loin et où on s’arrête.»

Se couper du monde et, dans beaucoup de cas, vivre une authentique expérience spirituelle, n’est pas sans risque. «Si l’on n’est pas solide, on peut en sortir disloqué», avertit le père hôtelier Hermann-Joseph.

D’où un devoir de vigilance qui lui incombe: «Le monastère attire des gens qui sont dans des phases difficiles de leur vie. Je suis dans l’obligation de leur refuser un séjour s’ils vivent, par exemple, une grave dépression. La recherche d’une protection dans ce site est pour eux un leurre.» Mais, conclut le père Hermann-Joseph, la plupart des retraitants sont là pour affrondir leur spiritualité. C’est la raison d’être de l’hôtellerie.

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Abbaye de Hauterive
Posieux
Suisse
+ 41 26/402 17 83
www.abbaye-hauterive.ch
communaute@abbaye-hauterive.ch

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Méditations selon Bouddha

Au sein du Centre bouddhiste international, à Genève,Tawalama Dhammika organise des retraites «pour ceux qui recherchent la paix intérieure en suivant l’enseignement de Bouddha. De nombreuses personnes non bouddhistes y participent. Les débutants sont bienvenus.»

Les exercices de méditation et les enseignements se déroulent de cinq heures du matin à neuf heures du soir, en silence. Les participants s’exercent à la méditation par la respiration, par la pénitence et par l’amour.

«Ils apprennent à trouver une vie harmonieuses, dans leur famille, au travail et en société.»

Tawalama Dhammika relève que son centre est membre fondateur la Plate-forme interreligieuse de Genève et qu’il fait preuve d’une grande ouverture aux enseignements d’autres religions.

Le fameux centre tibétain du Mont-Pèlerin organise également des retraites qui attirent jusqu’à 200 personnes venant de Suisse, mais aussi de France et d’Allemagne. Elle font alterner la méditation et des sessions de questions et réponses sur la spiritualé bouddhiste.

Certaines personnes viennent au Mont-Pèlerin depuis plus de vingt ans. «Notre centre n’est pas du tout missionnaire, précise le directeur, Gonsar Tulku. D’ailleurs, l’idée de conversion n’existe pas du tout dans le bouddhisme. On devient bouddhiste parce qu’on le demande.»

Centre bouddhiste international
Genève
+41 22 321 59 21

www.geneva-vihara.org
buddha.vihara@geneva-link.ch

Centre bouddhiste tibétain
Le Mont-Pèlerin
+41 21 921 36 00
www.rabten.eu
info@rabten.com

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Une version de cet article est parue dans Migros Magazine.