Au bureau, la messagerie électronique a désormais supplanté le téléphone. Deux tiers des utilisateurs estiment que cet outil améliore leur productivité. Mais une étude menée en Suisse vient nuancer cette impression.
L’usage de la messagerie électronique au travail a récemment dépassé celui du téléphone, selon une enquête du cabinet international Dimension Data publiée la semaine dernière. Intitulée «La fin de la communication telle que nous la connaissons», l’étude a été réalisée auprès de 524 entreprises dans treize pays autour du globe (Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Moyen-Orient et Afrique), dont la Suisse.
La quasi-totalité des personnes interrogées utilise l’e-mail sur son lieu de travail. Alors que 80% des sondés recourent par ailleurs à la téléphonie fixe et 76% au téléphone portable. Surtout, plus de deux tiers des employés estiment que la messagerie électronique améliore leur productivité.
Un travail de recherche publié la semaine passée par la Fondation Suisse Productive (FSP) vient cependant tempérer cette impression. Selon l’évaluation de la FSP, dont les premiers résultats s’avèrent édifiants, un usage peu productif de la messagerie électronique causerait un manque à gagner pour l’économie helvétique de 8,55 millions d’heures par semaine, soit 26,7 milliards de francs par année!
Quelques mesures simples permettraient de lutter contre cet inefficacité: «La gestion des emails adressés en copie (CC), par exemple, manque d’efficacité dans la plupart des entreprises, observe Andreas Hugi, directeur de la FSP. Dans un tel cas, les employés ne savent pas toujours quelle attitude adopter, alors qu’il leur suffit de prendre connaissance du message. Les entreprises devraient édicter des règles pour leur personnel. En principe, l’e-mail ne sert qu’aux communications simples. Il n’est pas adapté lorsqu’il s’agit de débattre de problèmes complexes, ou encore de fixer des rendez-vous entre plusieurs personnes. Pour cela, d’autres outils plus efficaces existent sur le Net.»
Le volume toujours croissant de messages transférés, auxquels s’ajoute l’avalanche de spams, ne fait qu’aggraver la situation. Si la Suisse dispose d’excellentes infrastructures en matière de technologies de l’information et de la communication, la contribution de ces outils à la croissance de la productivité au travail demeure faible en comparaison internationale. «Actuellement, la Suisse occupe même les derniers rangs des pays européens dans les statistiques de productivité liée à l’usage des nouvelles technologies, relève Andreas Hugi. Cela s’explique notamment par le manque d’instruction dans les écoles.»
Au-delà du défi économique, l’e-mail impose également de nouveaux rapports sociaux, ce qui ne va pas sans heurts au sein des entreprises: «Beaucoup de malentendus naissent de l’utilisation de la messagerie électronique, observe ainsi Annabelle Péclard, directrice du cabinet Didisheim de Lausanne, spécialisé dans la psychologie du travail.
Indépendamment de la taille de l’entreprise, nous observons les mêmes disfonctionnements: certains employés surchargés d’e-mails ne les lisent pas jusqu’au bout; d’autres mélangent allègrement les informations pratiques et les communications personnelles; d’autres encore, trahis par leur impulsivité, transmettent des messages agressifs.»
Le danger avec l’e-mail, c’est qu’il conserve à la fois la spontanéité de l’oral et la trace de l’écrit, souligne Annabelle Péclard: «Comme il s’avère parfois difficile de saisir le ton d’un message, les mauvaises interprétations sont fréquentes. Il arrive par ailleurs que deux employés en conflit s’octroient de petites vengeances au moyen de leur correspondance, et mettent par exemple le chef de leur destinataire en copie.»
