LATITUDES

Rentrée des classes: gare à l’économat

Chaque année à la même période, les employés volent à leur entreprise stylos et classeurs pour leur progéniture.

Cela ne saute pas aux yeux, mais il existe un rapport direct entre la rentrée des classes et le bilan comptable des entreprises. Car chaque année à la fin août, les stocks de fournitures de bureau (stylos, classeurs, cahiers, etc.) se mettent à fondre à mesure qu’approche la rentrée scolaire.

Les psychologues du travail utilisent le terme de «comportement dysfonctionnel» pour désigner ce phénomène: les employés les moins scrupuleux profitent de remplir les trousses et cartables de leurs rejetons en se servant discrètement dans l’économat de leur employeur.

Pas de quoi faire exploser les budgets, mais l’exemple est symptomatique, car si l’on en croit une étude américaine, les entreprises perdraient jusqu’à 1% de leur chiffre d’affaires à la suite de vols commis par leurs propres employés.

Sur ce sujet tabou, personne ne souhaite s’exprimer publiquement, mais les témoignages anonymes sont légion: «Oui, en effet, il y a une augmentation de la consommation de matériel de bureau à la période de la rentrée scolaire, confirme la responsable logistique d’une célèbre multinationale romande, amusée par la question. C’est un phénomène que l’on observe régulièrement.»

Et dans quelle proportion cette consommation varie-t-elle? «C’est assez sensible, suffisamment pour que l’on s’en aperçoive… ».

Même observation chez cette PME active dans l’édition: «Il semble effectivement que nous servions de fournisseur lors de la rentrée scolaire», laisse entendre le chef des ressources humaines.

Ce que confirme aussi la responsable de l’économat: «Normalement, nous remplissons les armoires environ tous les deux mois, mais entre la fin août et le début septembre, les stocks s’épuisent plus vite. Il nous faut recommander du matériel au bout de quelques semaines.»

Si certaines sociétés prennent des mesures spécifiques pour éviter ce vol saisonnier, la plupart d’entre elles ferment les yeux.

D’autres n’ont même pas besoin de s’en soucier, comme la Banque cantonale vaudoise, qui semble échapper totalement au phénomène. «Il faut dire que nos stylos, bloc-notes ou classeurs, estampillés BCV, sont du matériel promotionnel, précise le porte-parole Christian Jacot-Descombes. La plupart des employés en disposent librement tout au long de l’année. Inutile donc de se rééquiper à la rentrée. Et peut-être que leurs enfants préfèrent disposer d’une fourniture neutre ou de produits de marques.»

Peut-être aussi que la banque dispose d’employés modèles, parfaitement épanouis, puisque selon diverses études, la propension à voler dépend du bonheur des collaborateurs… En d’autres termes, les employés ne chapardent pas par besoin, mais pour rééquilibrer les injustices dont ils se sentent victimes.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 23 août 2007.