Afin d’augmenter ses recettes, SSR SRG idée suisse souhaite que la redevance radio-TV s’applique dès cet automne aussi à toutes les entreprises bénéficiant d’une connexion Internet. A la clé, un pactole. Controverse.
L’appétit budgétaire des médias publics semble insatiable. L’augmentation de la redevance radio-TV de 25 millions par an (+ 2,5%), octroyée finalement par le Conseiller fédéral en décembre dernier, ne correspondait pas au désir de SSR SRG idée suisse (qui voulait 72 millions, soit 6,5%). Qu’à cela ne tienne, Gargantua ne manque pas de créativité pour augmenter la taille du gâteau. La nouvelle idée? Agrandir l’assiette! En taxant désormais aussi les centaines de milliers d’entreprises qui n’ont pas la télévision mais simplement un accès à Internet, Billag pourrait ainsi encaisser des millions supplémentaires par année.
Selon des sources concordantes, SSR SRG idée suisse fait très sérieusement pression sur l’Office fédéral de la communication (Ofcom) afin que l’interprétation de la nouvelle loi sur la radio et la télévision (LRTV), entrée en vigueur le 1er avril 2007, soit prochainement adaptée afin de soumettre les entreprises à la redevance, pour cause de connexion à internet, même si leurs locaux ne sont pas équipés de téléviseurs.
A l’heure actuelle, les possesseurs d’une ligne ADSL, par exemple, ne sont théoriquement soumis à la redevance que s’ils souscrivent à un abonnement spécifique pour la réception de programmes TV via Internet (BluewinTV). Les autres utilisateurs, ceux qui profitent de l’offre télévisuelle sur les sites des chaînes ou grâce à un logiciel de diffusion en direct tel que Zattoo (lire l’Hebdo du 14 juin), la redevance ne s’applique pas. C’est là que SSR SRG idée suisse a identifié un nouveau gisement.
«Nous sommes en train de débattre de ces questions avec la SSR, admet Daniel Büttler, chef de la section redevances de radio et de télévision de l’Ofcom. Nous nous rendons bien compte que l’évolution de la technologie va bientôt permettre aux logiciels de diffusion d’approcher la qualité la télévision. La loi devrait donc être adaptée en conséquence. C’est déjà le cas en Allemagne où, depuis le 1er janvier, tous les foyers connectés avec l’ADSL, même s’ils n’ont pas la télévision, paient une redevance (ndlr: devant la grogne des usagers, son montant a finalement été fixé à 5,90 euros, soit très en dessous à celui de la taxe télé).»
Porte-parole de SSR SRG idée suisse, Daniel Steiner confirme à demi-mot les intentions du service public: «Il est dans notre intérêt de régler cette question. Pour l’instant, la qualité du streaming par Internet ne présente pas encore un réel danger, mais si ces technologies continuent de s’améliorer, la loi devra être adaptée. Evidemment, cela ne concerne pas les citoyens qui s’acquittent déjà de la redevance.»
Pressée de redorer ses budgets, la SSR ne perd pas de temps et s’active pour qu’une nouvelle interprétation de la LRTV soit mise en place dès septembre, dit-on à l’OFCOM. Pourtant, le souhait exprimé par le politique était une réduction des coûts dans les médias publics. L’augmentation des recettes semble cependant tout aussi prioritaire pour SSR SRG idée suisse. Une approche «totalement inadmissible» selon Filippo Leutenegger, Conseiller national radical: «Taxer les usagers qui n’ont pas de télévision mais simplement une connexion à haut débit alors qu’ils ne l’utilisent pas forcément pour regarder les programmes, cela revient à prendre les citoyens, et les entreprises, en otage.»
Au-delà du débat politique intervient un écueil technique. Faut-il qu’un dentiste ou un garagiste s’acquitte d’une redevance, à supposer qu’il utilise sa connexion internet à des fins strictement professionnelles? Et comment savoir s’il regarde parfois le téléjournal sur le site de la TSR? L’Ofcom y réfléchit déjà. «Nous cherchons actuellement une solution pour que les entreprises ne payent pas automatiquement la redevance, explique Daniel Büttler. Nous discutons de ces problèmes avec les fournisseurs d’accès. Pour les entreprises qui ne souhaiteront pas s’acquitter de la taxe, nous étudions la possibilité de brider techniquement le streaming de données nécessaires à la transmission d’images en temps réel.»
Cette piste semble discutable puisque la transmission de données en temps réel s’utilise pour de nombreux autres services que la télévision, comme la visioconférence ou la téléphonie (Skype), par exemple. Chez Swisscom, l’idée d’une bride technique semble d’ailleurs surprendre: «Je n’ai rien entendu de tel», s’étonne le porte-parole Christian Neuhaus.
«Si la plupart de nos utilisateurs à la maison possèdent par ailleurs une télé et paient la redevance, ce n’est pas le cas des entreprises, constate Francesco Vass, vice-président de Zattoo. La SSR n’est pas contente et cherche des solutions…»
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 5 juillet 2007
