Le fameux jeu méridional marque un retour en force: une nouvelle génération s’empare du cochonnet. Avec une bonne dose d’autodérision, et parfois même un DJ.
Rien à voir avec clichés à la Pagnol et les grands-pères en marcel qui tirent la boule sous les platanes. Aujourd’hui, ce sont des jeunes gens urbains qui se passionnent pour la pétanque, au son d’une musique mixée par des DJs ou de petits concerts improvisés.
En Suisse, des associations informelles voient le jour un peu partout, de Bienne à Genève en passant par Lausanne ou Nyon.
La formule est éprouvée: on joue entre amis, dans un cadre agréable, avec des boissons à disposition. «J’ai commencé il y a dix ans, raconte Marco Gabathüler, 29 ans, graveur indépendant à Neuchâtel. Quand les bars fermaient, on se retrouvait avec une équipe de noctambules pour aller jouer. L’habitude de mélanger pétanque et apéro s’est vite installée. On a commencé à se retrouver régulièrement, en fin d’après-midi et le week-end.»
Cette nouvelle génération de pétanquistes commence à s’organiser et à prendre de l’ampleur. A Neuchâtel, le groupuscule artistique Supermafia organisera à la mi-juillet, pour la troisième année consécutive, un grand tournoi de pétanque sur le site de la Collégiale. Ouvert à tous, il accueillera une quarantaine d’équipes — soit 120 joueurs ! — qui s’affronteront de 9h à 21h. Le prêtre de la Collégiale mettra à disposition l’électricité nécessaire à la musique et aux lampions.
«Le gagnant remportera une bouteille de pastis et le droit de détenir pendant une année le trophée: une boule de pétanque plaquée or réalisée par le père d’un des organisateur qui est orthodontiste, explique Gilles Sandoz, 24 ans et membre de Supermafia. Les inscriptions couvrent les petits frais de logistique puisque les boissons sont offertes.»
Selon le même principe, La Chaux-de-Fonds accueillera en août les premiers «Championnats du monde de pétanque des Montagnes neuchâteloises» (sic). Cette fois-ci, l’idée vient d’une clique d’amis qui entendent faire s’affronter les équipes «dans le respect des règles et avec une bonne dose d’humour au quatrième degré», explique Ruth Lehmann, enseignante de 29 ans et membre du comité d’organisation.
A La Chaux-de-Fonds, c’est la construction d’un terrain dans le jardin d’un immeuble qui a rassemblé les locataires autour des boules d’acier. Le jeu a titillé les imaginations des joueurs qui ont décidé d’organiser ces championnats du monde et même d’éditer un journal, baptisé L’Pastaga. Photocopié à 50 exemplaires pour chaque édition, il paraît mensuellement depuis le mois de février et réunit toutes les rumeurs liées à la compétition. Un grand défoulement collectif autour du cochonnet.
La beauté du cadre est souvent citée comme un élément clé du jeu. Puisque les parties débutent souvent en fin d’après-midi, les lampadaires sont appréciés pour prolonger les parties dans la nuit. En revanche, l’état du terrain n’est pas primordial. «En automne, nous prenons nos rateaux pour aller jouer, raconte Héloïse Mojon, 25 ans, éducatrice sociale à Neuchâtel. On évacue branches et feuilles mortes, même si les imperfections de la surface font partie du jeu. Nous partageons une vision épicurienne de la vie qui fait la part belle aux bons moments. La pétanque concentre tout cela.»
«Nous jouons selon les règles, mais on suit d’abord notre instinct.» Ce côté punk, Marco s’en réclame: «Parfois, en été, je participe avec mon frère à des tournois dans les camping. Et quand le jeu devient trop sérieux on abat la carte de l’humour pour détendre l’atmosphère. Certains joueurs ne supportent pas cela. Involontairement, nous avons donc trouvé une technique imparable pour déstabiliser nos adversaires!»
Car les nouvelles générations de la pétanque ne cultivent pas toutes l’autodérision. Au Petit-Saconnex à Genève, les jeunes membres du club local s’affairent pour organiser voyages et repas traditionnels. «Je me suis inscrit pour m’engager», explique David Diener, 23 ans. Son co-équipier Laurent Vuilleumier, 28 ans, s’est rendu jusqu’en Espagne pour des compétitions. Il a même fait fabriquer, dit-il, ses propres boules sur mesure…
