- Largeur.com - https://largeur.com -

Mafioso, ethno ou techno: les hommes assument leurs bijoux

Ils n’ont plus peur d’en porter. Une bague en acier pour le négociateur, un bracelet de cuir souple pour le créateur de start-up, un gri-gri vaudou sous la manche du banquier privé… Les hommes semblent avoir levé le tabou du bijou et osent enfin quelques ornements. Sans rien perdre de leur virilité, au contraire: ils ont compris que ces accessoires finement ciselés soulignent leur masculinité. Les vagues successives des modèles métro- et übersexuel ont fait voler en éclat les dernières réticences.

Les marques ont évidemment flairé le filon, et multiplient les créations masculines. «Les bijoux pour hommes sont apparus en 2003, d’abord avec des collections unisexe, explique Virginie de Geoffroy, responsable des bijoux chez Swatch, qui s’impose comme l’un des leaders du secteur. C’est un créneau que nous souhaitons développer fortement dans les années à venir.»

Avec ses parures qui portent des noms sans ambiguité (la gamme Virility réunit bague, bracelets et pendentifs, à environ 70 francs la pièce), le groupe biennois veut se spécialiser dans les textures et matériaux innovants: résine, cuir noir, argile polymère, carbone… Une manière de définir le profil psychologique du client cible. «L’homme Swatch Bijoux est spontané, conscient des tendances mais pas victime de la mode. Il a un côté provocateur qui lui permet d’afficher un bijou en caoutchouc et acier avec une montre de luxe. Il est authentique et porte ce qu’il aime», détaille Virgine de Geoffroy.

Cette profession de foi sonne comme une libération pour le mâle de 2007. «Longtemps, les hommes n’ont eu à leur disposition que deux accessoires pour exprimer leur identité: la montre et la cravate, analyse le publicitaire genevois Pedro Simko, patron de l’agence Saatchi-Simko. Il est donc normal qu’ils investissent de nouvelles voies.»

A l’image du marché de la cosmétique, le secteur bijoutier perd ainsi son caractère spécifiquement féminin, même si «les hommes restent globalement très conservateurs et se permettent moins d’audaces que les femmes, souligne Cédric Chevalley, jeune créateur lausannois de bijoux masculins. En revanche, ils sont plus fidèles: s’ils choisissent un modèle et un style, ils n’en changent pas facilement.» Une fidélité qui fait le succès de sa ligne de bagues, Mood, dotées de deux modules qui peuvent être personnalisés à l’infini. Associées au milieu techno, avec DJ Spoke comme ambassadeur, les bagues Mood s’exportent en France (30% des ventes), mais aussi en Allemagne et jusqu’aux Etats-Unis, grâce au commerce en ligne. «L’an dernier, près de 1000 commandes ont été réalisées via mon site yourmood.net», dit le créateur. A environ 200 francs la bague, le jeune joaillier formé en République tchèque et à l’Ecole technique de la Vallée de Joux a trouvé un moyen de rentabiliser ses investissements.

C’est bien sûr dans les milieux de la musique et du cinéma que l’on trouve les mâles les plus influents en matière de bijoux. Les acteurs, DJ’s, stars du R’n’B ou du gangsta rap tracent les tendances, suivis de près par les créateurs de mode et les producteurs de masse. Panorama des styles en vigueur.

Minimal
De nombreuses marques cherchent à toucher le grand public avec des articles sobres et minimalistes, tant dans la forme que dans les couleurs. Calvin Klein propose ainsi un éventail de colliers militaire-chic et d’anneaux en argent, en acier, en bois d’ébène ou en pierre de couleur, ainsi que des bracelets en cuir. Un choix discret et élégant, idéal en guise de cadeau, ou pour les hommes qui veulent s’offrir leur premier bijou.

Luxe tapageur
Aux Etats-Unis, on ne compte plus les personnalités portant les créations très clinquantes du bijoutier d’origine russe Jacob Arabo: les rappers Jay-Z, 50 Cent ou Pharrell Williams, les chanteurs Bono, Justin Timberlake ou Elton John et même des politiciens, comme le candidat républicain à la présidence Rudolph Giuliani. Quant à David Beckham et P. Diddy, ils arborent sans complexe de gros diamants en guise de boucles d’oreilles. Dans un recueil tout aussi tape-à-l’œil, on peut citer les bagues articulées de Karl Lagerfeld ou les chaînes reliant narine et oreille dans les défilés de John Galliano.

Bourgeois dandy
La frontière entre bijou et accessoire s’estompe de plus en plus. Dans un registre BCBG, on trouve un vaste choix de boutons de manchette en émail à motifs chez Dior ou Paul Smith, des pinces à cravate et des ceintures, de 200 à 500 francs. «Nous remarquons chez notre clientèle une nette volonté d’accessoiriser les tenues, note Thierry Lacroix, gérant de la boutique Drake Store à Genève. Certains s’habillent de manière très classique et recherchent juste à ajouter une touche originale, comme des boutons de manchette colorés. D’autres optent pour un total look Dolce & Gabbana, avec superpositions de chaînes, bracelets de force et autres boucles de ceinture à logo apparent.» Fait révélateur, les articles sur lesquels la marque est moins visible restent plus longtemps sur les rayons.

Ethno-grunge
Les acteurs Johnny Depp ou Colin Farrell, adeptes de bracelets en cuir fin et de foulards qu’ils nouent à leurs poignets, sont les étendards d’une tendance plus bohème. «On touche ici à la catégorie des bobos, qui fabriquent leur look au gré de voyages, ramenant tel ou tel pendentif ou accessoire en os ou en pierre d’Afrique ou du Brésil», analyse Thierry Lacroix.

Mafioso
Le look chemise ouverte, chaîne en or et grosse gourmette fait, depuis les années 70, des retours récurrents. «On retrouve de plus en plus un style très mafieux, notamment chez Dior, souligne le styliste et journaliste Bertrand Maréchal. Côté bijou, on voit notamment beaucoup de symboles de puissance, comme des pendentifs en griffes d’animaux sauvages, naturelles ou en or.» Style jeune coq ou carrément macho, ces bijoux de famille new-look viennent rappeler, s’il en était besoin, que l’homme qui adore porter bagues, bracelets et chaînettes n’a rien d’efféminé.