L’automne venu, j’aimais l’arrivée des citrouilles sur les stands du marché. Quelle gamme de formes, de couleurs et de tailles! A leur retour, chaque année, je redevenais la petite fille qui rêvait de se rendre au bal du Prince Charmant en compagnie de Cendrillon, dans la citrouille transformée en carrosse.
C’était cela, la citrouille du marché: un drôle de légume auquel il ne manquait qu’un attelage et des roues pour emmener une pauvre souillon vers son avenir de princesse.
Aujourd’hui, ces cucurbitacées n’évoquent plus le célèbre conte de Perrault, le carrosse et le bal. En plastique, en papier mâché ou en terre cuite, elles surgissent dans toutes les vitrines et par un coup de baguette commerciale, les voici devenues symboles de la dernière exportation américaine: Halloween.
«La régression des pratiques religieuses a laissé place à toutes les exploitations mercantiles», me dira ma voisine sociologue, qui n’aura pas tort. Je viens d’ailleurs d’apprendre que Halloween était l’abréviation de «All Hallow Even» et signifiait donc «veille de Toussaint». Bientôt, ce sera la Toussaint que l’on considérera comme le lendemain d’Halloween… Adieu les visites au cimetière, bonjour les squelettes accrochés aux portes et fenêtres!
Peu importent les origines celtiques de cette fête, l’histoire irlandaise de Jack O’Lantern ou le potentiel d’amusement qu’y trouvent enfants et parents: je ne serai pas vampirisée. Cette attitude résistante me vaudra peut-être le sobriquet de «tête de citrouille» qui désigne, outre-Atlantique, une personne qui se cramponne avec raideur à ses vieilles coutumes. Tant pis.
Le soir du 31 octobre, les MacDo seront pris d’assaut par des clients impatients de s’éclater entre sorcières, fantômes et squelettes. A eux les jus de mygales, breuvages de Vampirella, cocktails de bave de crapaud, gâteaux de Carabosse et autres délices de Dracula. Je ne les accompagnerai pas. Ce soir-là, je tenterai plutôt de me réconcilier avec ces bonnes vieilles courges en mitonnant la recette de la fameuse soupe veloutée de Paul Bocuse dont voici la recette:
Il suffit de réunir une bonne citrouille de 3 à 4 kilos, six ou sept tasses de croûtons, une tasse de gruyère rapé et trois litres de crème allégée. C’est très facile.
D’abord, vous tranchez soigneusement le sommet de la citrouille pour en ôter la queue. Vous retirez les graines et les fibres, en prenant garde de ne pas toucher à la pulpe. Vous remplissez ensuite le cœur de la citrouille en alternant les couches de croûtons et de fromage. Après un léger assaisonnement (sel et poivre), vous ajoutez la crème et refermez le couvercle, autrement dit le sommet de la citrouille avec la queue.
Vous placez l’ensemble dans un four à 180 degrés C pendant deux bonnes heures.
Au moment de servir, vous ôtez le chapeau et remuez délicatement à l’aide d’une cuiller le cœur de la citrouille, afin d’en mélanger la chair aux autres ingrédients, jusqu’à ce que l’ensemble se transforme en une soupe onctueuse. Vous goûtez, et ajoutez sel et poivre si nécessaire. C’est tout et c’est sublime.
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Geneviève Grimm-Gobat est une collaboratrice régulière de Largeur.com. Elle vit dans le Jura suisse.