La marque américaine, qui a signé un contrat à vie avec Roger Federer, débusque les jeunes talents au plus tôt, dans l’espoir qu’ils atteignent le sommet.
L’exemple pourrait servir dans les écoles de marketing. Celui d’une marque qui ne fait aucune publicité dans les médias et qui s’impose comme leader de son secteur.
En une dizaine d’années, Wilson est devenue la raquette de tennis de l’écrasante majorité des grands joueurs. C’est d’ailleurs là que réside le secret de son succès. «Depuis 10 ans, notre stratégie consiste à avoir le n°1 mondial sous contrat, explique Marc Nagels, l’un des représentants de la marque en Suisse. Wilson intervient très tôt, au niveau du recrutement des jeunes joueurs. Nous leur proposons déjà du sponsoring, et créons ainsi un réservoir de talents. Lorsqu’ils arrivent au top 100, ils sont déjà sous contrat avec nous.»
Née à Chicago en 1913, la firme Wilson est rachetée en 1989 par le groupe finlandais Amer Sports (Atomic, Salomon) pour 200 millions de dollars. A l’époque, la marque est à la peine, attaquée par les fabricants asiatiques. Le management impose une restructuration de choc. La production est diversifiée (golf, squash, etc.) et délocalisée en Thaïlande et en Indonésie, et l’accent est mis sur l’innovation: carbone, cristal siliconé, nanotechnologie, composites de toute sorte. Les raquettes deviennent des produits high-tech.
En parallèle, le marketing mise à fond sur les stars. Si Roger Federer répète volontiers qu’il a «grandi avec une raquette Wilson dans les mains», c’est qu’il a signé un contrat à vie avec le fabricant l’an dernier.
Les moyens du groupe Amer sont investis pour signer de tels partenariats, dont les montants exorbitants auraient de quoi peser sur le choix du joueur. Mais pour Jacob Hlasek, vainqueur de la coupe Davis en 1992, «le succès de la raquette Wilson est aussi dû à ses qualités techniques. Il y a toujours eu 4 ou 5 bonnes marques, et les joueurs n’ont pas forcément de contrats: ils choisissent les modèles avec lesquels ils se sentent le mieux. Sampras a joué pendant longtemps avec la Wilson Pro Staff gratuitement. Il a même refusé de signer avec la marque!»
Les raquettes de Roger Federer et Serena Williams utilisent la technologie nCode, mise en avant par le fabricant: des cristaux de silicone de taille nanoscopique qui donnent un matériau plus stable et une plus forte puissance. «Plusieurs critères interviennent dans le choix d’une raquette, poursuit Jacob Hlasek: Mon modèle préféré était le même que Becker, la Puma Estusa. Quand sa fabrication a cessé, j’ai joué avec Fischer, Völkl, puis Wilson. Aujourd’hui encore, je joue avec la Wilson Pro Staff.»
Le poids constitue un autre argument décisif. Lionel Lacrosse, coach au Tennis Club de Confignon, précise que «la raquette Federer pèse 400 grammes. C’est la plus lourde du circuit. Pour chaque style de jeu, il faut une raquette spécifique.» Les caractéristiques physiques devraient imposer le choix de la raquette, mais le coach le constate bien: les juniors choisissent des modèles Wilson surtout pour avoir la même, ou presque, que Federer…
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 10 mai 2007.
