Le jeune banquier genevois Michel Dominicé a réussi son pari en lançant son fonds Cassiopée, qui a connu une croissance de 70% depuis 2003. Il regrette la fiscalité contraignante du pays, qui freine le développement des produits alternatifs.
Avec plus de 1’600 milliards de dollars sous gestion dans le monde, les hedge funds connaissent un succès très important sur les places financières. A Genève, Michel Dominicé, fondateur de Dominicé & Co Asset Management, figure parmi les spécialistes de ces investissements à la mode qui mélangent analyse financière et algorithmes mathématiques.
Issu d’une famille de banquiers – une tradition qui remonte à son arrière grand-père – Michel Dominicé a travaillé une dizaine d’années dans les banques privées avant de créer son propre hedge fund, baptisé Cassiopée.
Des bureaux spacieux et sans chichi, quelques ordinateurs équipés d’outils performants, et son cousin, Jean-Evrard Dominicé comme associé: il n’en fallait pas plus pour que ce passionné de finances et de mathématiques de 41 ans devienne un gros joueur sur la place genevoise.
Genève s’impose-t-elle comme une capitale des hedge funds?
Comme grand centre de compétence en gestion alternative, Genève a été pionnière dans le domaine. Elle regroupe un savoir faire de qualité avec des centaines d’analystes de très haut niveau. Nous avons une structure propice et une clientèle prête à investir. Mais la fiscalité asphyxiante et peu compétitive de la Suisse n’encourage pas la création de hedge funds. Il est plus avantageux de créer de tels fonds à l’étranger dans un cadre plus souple comme celui de Londres, par exemple. C’est dommage d’autant que la Confédération perd ainsi indirectement une manne substantielle. Si l’on compare la taille de la place financière suisse et le volume de hedge funds qui s’y sont implantés, on constate que le pays a complètement raté le virage. C’est dommage car nous avons tout pour réussir: une infrastructure bancaire de haut niveaux et un fort volume de transactions. Des discussions sont en cours avec des groupements de banquiers afin de changer certaines lois fiscales et développer les hedge funds en Suisse. Le secteur serait porteur et créateur d’emploi.
Comment résumez-vous la notion de hedge fund?
Il s’agit d’un moyen de gagner de l’argent tout en s’immunisant contre le risque. Le hedge fund ne subit pas l’influence des marchés: si la bourse chute, elle n’entraîne pas le hedge dans sa descente. Dans sa composition, il s’agit d’un ensemble très technique de produits financiers utilisés comme couverture contre les fluctuations du marché. Une explication qui rejoint la traduction du mot «hedge» signifiant «se couvrir» en anglais.
Quelle est la différence avec les fonds de placement usuels?
Quand un client place de l’argent dans un hedge fund, il se démarque d’un investissement traditionnel qui achète un titre ou un ensemble de titres en pariant sur sa montée pour gagner de l’argent. Avec un hedge fund, il se protège du risque et en même temps vise une performance absolue. Ces types de fonds alternatifs sont cependant réservés à une clientèle fortunée et avertie. En moyenne, l’investissement de base se situe aux environs des 100’000 dollars. Vous pouvez investir moins, mais vous risquez de vous faire truander par les frais de gestion, nettement supérieurs à ceux de la gestion traditionnelle. Le hedge fund se caractérise par ailleurs par sa faible liquidité: il y a souvent des délais à respecter pour sortir d’une position.
De quoi se compose précisément un tel fonds?
Si l’on analyse de plus près l’intérieur d’un de ces instruments, on découvre une nébuleuse d’actions, d’obligations, d’options et même de placements immobilier. Nous modélisons et nous gérons l’ensemble quantitativement sous forme d’algorithme informatique. Le logiciel recherche des failles dans le marché: il identifie les titres surévalués – donc qu’il faut vendre – et les titres sous-évalués – qu’il faut acheter.
Que faut-il pour créer son propre produit alternatif?
On ne peut pas se lancer sans filet. Il faut une mise de départ pour démarrer, c’est-à-dire un cercle de relations prêtes à investir. Des gens qui vous font confiance, grâce à votre réputation ou à l’idée que vous proposez.
Quelle était votre idée lors de la création de Cassiopée?
Après 10 ans d’études, j’ai commencé par chercher à comprendre la logique qui se cache derrière les bourses. J’ai pu observer statistiquement leur comportement saisonnier. Par exemple, en démontant le Dow Jones par tranches de six mois et en analysant les performances sur 60 ans, on découvre que toute la hausse s’est faite sur les mois d’hiver. Les mois d’été n’ont rien apporté à l’investisseur.
Par ailleurs, il existe un problème dans la relation entre la volatilité et les marchés. Ce constat établit le comportement «myope» du marché, un défaut que Cassiopée exploite. La beauté de l’opération c’est que l’on profite de l’irrationalité des bourses sans jamais s’exposer au risque du marché. On tire profit d’une contradiction de prix liée à ce comportement. Notre mécanique de gestion a pris de l’avance sur les autres.
Quelle est la valeur actuelle de votre fonds?
Près de 240 millions de francs sous gestion et une performance de 70% depuis son lancement en juillet 2003. En 2006, il a réalisé une progression de 9,2%.
Comment évolue Cassiopée en eaux troubles?
Notre hedge fund fonctionne mieux quand les bourses font la grimace. D’ailleurs, quand elles ont chuté en février dernier, il a gagné du terrain. D’où l’intérêt de l’inclure dans son portefeuille comme outil de diversification.
