C’est une série pour ados plutôt banale avec des dialogues langoureux, des amours déçues et des énigmes pathétiques. Bref, sur le plan de l’intrigue, rien de révolutionnaire. Mais pourquoi dès lors en parler ici? Parce qu’ «Emma», c’est son nom, est en train de réunir une communauté participative d’un genre nouveau.
Emma recherche l’assassin de son père, et toute la Belgique flamande l’accompagne dans sa quête. La série est conçue comme une immense chasse aux trésors (ici l’assassin) qui comprend des indices répartis dans la fiction elle-même mais surtout sur plusieurs sites internet bien cachés, et même parfois dans les journaux (les petites annonces ne sont pas mortes) ou sur les murs des villes flamandes (comme-si les tags ne suffisaient plus).
L’idée du jeune réalisateur Stefan Wouters est d’entraîner tout le monde dans cette recherche de l’assassin en créant une communauté «Emma» de policiers amateurs.
Des milliers de jeunes bloggeurs parlent ainsi sur le Web des progrès accomplis dans cette quête qui passionne le pays. Sur le site de l’émission, il y a bien sûr aussi tout le matériel classique des «rushes» non diffusés, des accessoires achetables, des downloads gratuits, notamment sur les Playstations PSP de Sony, mais également les dernières nouvelles ou rumeurs portées par la communauté virtuelle elle-même.
Cette émission diffusée en prime-time fait un tabac auprès des 14-24 ans. Normal, on est dans le virtuel/réel propre à notre temps. De plus, le réalisateur a très bien compris qu’aujourd’hui, l’interactivité n’est pas le zapping mais bien la mise en action des téléspectateurs qui deviennent en quelque sorte des téléspectActeurs.
Bien joué. On est évidemment très au-delà de la «Star’Ac» ou de la téléréalité car l’activité propre à chaque participant est de créer un environnement de plus en plus intéressant pour les autres.
Chaque participant devient ainsi un créatif pour l’autre. L’environnement, et même la série (elle est écrite en continu et au dernier moment) évolue sans cesse par le comportement des autres. Bref, on nage en pleine innovation participative. La télévision flamande expérimente sa révolution.
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Xavier Comtesse, mathématicien, est directeur romand de la fondation Avenir Suisse.