La rhétorique de l’UDC sur les bons et les mauvais requérants n’est que du pipeau pour les gogos. C’est ce que démontrent les réticences de notre ministre à accueillir un contingent de réfugiés fuyant la guerre civile irakienne.
Ils sont 50’000, chaque mois, à fuir le bourbier irakien, avec au total déjà quelques deux millions de réfugiés, essentiellement répartis entre la Syrie et la Jordanie voisines. Deux pays proches de la saturation et qui voient leurs équilibres démographiques déjà menacés. Le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), outre une aide financière de 60 millions de dollars, réclame donc des pays occidentaux qu’ils fassent leur part en accueillant des contingents de réfugiés, notamment les plus vulnérables: handicapés, vieillards, veuves, blessés et malades «qui ne sont pas soignables dans les pays limitrophes ou les personnes qui n’y sont pas en sécurité ». Les Etats-Unis, en bons pyromanes pompiers, ont promis d’en accueillir 7’500. Et la Suisse? Eh bien la Suisse, elle, se tâte encore.
Le département de Christoph Blocher a rappelé, très vite, que 6’800 irakiens vivaient déjà en Suisse, que Blocher lui-même ne pouvait, légalement, décider seul que de l’accueil de 100 personnes, pas d’avantage, qu’il n’avait jusqu’ici pas utilisé cette prérogative pour les Irakiens, et que d’ailleurs, contrairement à la cheffe du département des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, il n’était pas favorable à ce que la Suisse accepte cette idée d’un contingent. Certains ne se font pas faute de rappeler qu’il s’agit pourtant là d’une promesse de campagne faite par Blocher: accepter des contingents humanitaires si le peuple entérinait le durcissement des lois sur l’asile, ce qui a été fait et plutôt nettement.
Mais, une fois de plus, on semble, du côté de Berne, appliquer une vieille tactique bien confédérale: esquiver ses responsabilités, se garder de tout élan de générosité, en s’achetant une bonne conduite. La Suisse a donc annoncé cette semaine, lors de la conférence internationale sur l’Irak organisée par le HCR à Genève, qu’elle allait doubler son soutien financier aux déplacés et réfugiés irakiens, passant de 2 à 4 millions.
Pour justifier ce refus d’accueillir les victimes de la guerre civile irakienne, l’Office fédéral des migrations (ODM) et Blocher expliquent que cela risquerait de «créer un appel d’air». La chanson est connue et sonne d’autant plus faux qu’en 2006 seuls 816 irakiens ont déposé une demande d’asile en Suisse, soit dix fois moins qu’en Suède par exemple. Même le DFAE de Micheline Calmy-Rey essaie de se défausser par l’obole, en rappelant que la Suisse s’est montrée déjà «généreuse», avec plus de dix millions de francs d’aide humanitaire versés depuis 2003 pour les victimes des violences irakiennes.
L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) déplore ces hésitations à revenir à une politique d’accueil de réfugiés «sur contingents» qui avait été pratiquée jusqu’en 1995 et abandonnée alors en raison de l’afflux de réfugiés en provenance d’ex-Yougoslavie, situation qui n’existe plus aujourd’hui. Certes Anton Thalmann, directeur politique du DFAE et chef de la délégation suisse à la conférence sur l’Irak, affirme que «rien n’est joué» à propos des contingents, qu’il s’agit juste de trouver un compromis entre les départements et que le climat de travail avec l’ODM est «agréable». En un mot, et après traduction de ce sabir diplomatique, on peut dire que le plus dur reste à faire: convaincre Blocher, collégialité oblige.
Un Blocher qui verrait sans doute d’un mauvais oeil des handicapés, des veuves, des blessés irakiens venir prendre la place des petits délinquants des ex-républiques soviétiques ou d’Afrique qui pourrissent la vie des centres de requérants. Des vrais réfugiés? Vous n’y pensez pas, cela risquerait de gripper la machine de propagande, et le discours sur les requérants criminels et profiteurs. Cela obligerait l’UDC à montrer sa vrai position: que des réfugiés, elle n’en veut tout simplement pas, qu’ils soient vrais ou faux, blessés ou trop bien portants, dealer ivoirien ou veuve irakienne. Il y a là comme la preuve qu’il ne faut pas croire les représentants de l’UDC lorsqu’ils affirment n’avoir rien «contre les vrais réfugiés».
La preuve aussi que le premier parti du pays est une formation xénophobe. Par principe.
