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Pascal Couchepin, Wallisellen et le plein emploi

Trop de bonheur tue le bonheur: la preuve par la bonne humeur du conseiller fédéral valaisan, la baisse du chômage et le nouveau règlement d’une commune zurichoise.

Le retour des beaux jours? Une douce vague d’optimisme printanier semble en tout cas traverser le pays. Voici d’abord Pascal Couchepin en personne qui déclare sa flamme et sa forme, laissant entendre, sur l’épineux dossier de la retraite à 67 ans, qu’il sera de taille à montrer l’exemple: «Comblé, dit-il au Matin, je reste en place.»

Avec tout de même cette prudente restriction: «Si Dieu me prête vie et les électeurs du parlement leurs voix». L’homme, qui vient tout de même de fêter ses 65 ans, aime tellement son job qu’il s’estime donc prêt à «continuer le combat» et notamment pour des hausses modérées des primes maladies, «quitte à me faire traiter de méchant et d’incompétent par les acteurs du marché de la santé».

Un Don Quichotte impitoyable, un défenseur de la veuve grabataire et de l’orphelin hospitalisé, se cachait donc sous cette carapace valaisanne et nous ne le savions pas. Le boulot de conseiller fédéral offre, il est vrai, de jolies compensations, comme se payer la fiole de ses besogneux collègues.

Pascal le Bienheureux donne ainsi cette explication à la rencontre que Blocher s’est organisée avec quelques leaders musulmans: «Le plaisir du pyromane à la vision du feu qu’il allume».

Même si ce n’est que le 30 septembre que Couchepin communiquera sa décision de rempiler ou pas pour quatre années supplémentaires, on peut déjà le dédouaner du reproche de barrer la route à la génération montante en s’accrochant obstinément à son fauteuil. Outre la bonne humeur pascalienne, les beaux jours en effet ramené en lumière un concept qu’on croyait enterré pour toujours sous les décombres nostalgiques des trente glorieuses: le plein emploi.

Haute conjoncture oblige, le chômage — moyenne nationale — est tombé à 3%, taux que l’OCDE considère effectivement comme du plein emploi. Le nouveau chef de la division travail du Seco, l’ancien syndicaliste Serge Gaillard, prédit même que les 2% sont à portée de mains.

30’000 nouveaux emplois auront été créés en 2007. Un bémol quand même à cette euphorie, un éternuement au milieu de cette pollinisation laborieuse: jamais le pourcentage des emplois temporaires n’a été aussi élevé, un job créé sur trois en 2006 était à durée limitée. A l’inquiétude de ne pas trouver de travail se substitue peu à peu celle de le perdre rapidement.

N’empêche: les banques, l’horlogerie, le secteur pharmaceutique, celui de la santé, embauchent à tour de bras noueux. La Suisse manque de maçons, d’ingénieurs sur machines, de médecins généralistes, tandis que de nouveaux métiers viennent encore gonfler les voiles du navire et colorer l’horizon radieux: nanotechnologue, conseiller en e-business, courtier en information ou encore spécialiste en relocalisation.

La mondialisation et les délocalisations qui créent des emplois, ne serait-ce que pour panser leurs propres plaies, c’est sans doute trop de bonheur.

Tellement trop que certains basculent déjà dans la tentation du monde parfait. A Wallisellen par exemple, dans le canton de Zurich, le nouveau règlement communal prévoit d’amender le crachat et l’abandon de déchets légers sur la voie publique, genre mégots ou crottes de chiens.

Pour que tout se passe dans une ludique et citoyenne humeur, le système prévoit, en cas de première infraction, la distribution d’un carton jaune, suivi, en cas de récidive, du carton rouge et de l’amende: 30 francs pour le crachat et la clope, 80 pour la crotte.

On en déduira que dans ce genre de paradis immaculé qui nous guettent, les nouveaux parias ne sont pas tous catalogués à la même enseigne : le propriétaire de chien se trouve un échelon plus bas que le fumeur sur l’échelle d’infamie.

Et puis le bonheur crée le bonheur, au risque même de l’étouffer: ces cartons jaunes et rouges, il faut bien quelqu’un pour les distribuer et la commune de Wallisellen vient donc de renforcer son dispositif de surveillance en créant «un cinquième poste de policier». Le plein emploi, on vous dit.