Le monde se développe sur les rives de l’Océan Pacifique, où vivent les deux tiers de l’humanité. Des colosses comme la Chine et le Japon prennent la mesure de leur puissance, et, surtout, de leurs potentialités. Exemples.
Et si, à la manière de la France et de l’Allemagne autrefois, la Chine et le Japon lançaient à partir de politiques économiques convergentes une Union d’Extrême Orient entraînant dans son sillage des Etats aussi dynamiques que la Corée du Sud, Singapour ou la Malaisie?
L’idée peut sembler rocambolesque, mais son seul énoncé lance une vive lumière sur une évolution que nous peinons à percevoir englués que nous sommes dans de ridicules interrogations sur notre identité tant en Suisse avec Blocher qu’en France (dont les médias nous arrosent quotidiennement) avec Ségo et Sarko.
Nous cherchons la solution à nos problèmes existentiels dans la contemplation de nombrils dilatés par le luxe et l’abondance (voir ces jours-ci les pubs sur la voile et l’horlogerie) alors que de l’autre côté de la planète, de très vieilles civilisations s’adaptent avec une rapidité inattendue à la mondialisation en en tirant tous les bénéfices possibles sans avoir l’impression de rompre avec leur histoire.
Le monde de demain sera «pacifique», c’est-à-dire qu’il déploiera un maximum d’activités et de ressources sur les rives de l’Océan Pacifique. Actuellement les deux tiers de l’humanité vivent dans ses Etats riverains. Des colosses comme la Chine et le Japon sont en train de prendre la mesure de leur puissance, et, surtout, de leurs potentialités.
C’est le sens qu’ils veulent donner à la visite du premier ministre chinois. Avant même son arrivée à Tokyo, Wen Jiabao le disait clairement: «La Chine et le Japon sont de proches voisins, juste séparés par une étroite bande d’eau. Nos économies ont beaucoup à s’offrir et il y a un énorme potentiel de développement. Durant cette visite, l’économie sera le point important de nos discussions. Avec le premier ministre Abe, nous sommes convenus d’établir un mécanisme de dialogue économique de haut niveau.»
Et l’AFP qui rapporte ces propos d’ajouter: Depuis la normalisation des relations bilatérales voici 35 ans, les deux pays ont vu leurs échanges passer de 1,1 milliard de dollars en 1972 à 207,4 milliards l’an dernier. Le Japon est devenu la deuxième source d’investissements directs étrangers en Chine, avec un total de 58 milliards de dollars.
Politiquement, les relations sont toujours froides, tant Pékin que Tokyo cultivant, au moins au niveau des dirigeants et des discours, un nationalisme ombrageux fondé sur les vicissitudes des années 1930 et 1940 quand la Chine dévorée par des impérialismes étrangers subit l’assaut des armées japonaises et leurs excès criminels.
Aux revendications de Pékin, Tokyo oppose toujours un négationnisme que son premier ministre, le très droitier Abe n’a pas l’intention d’abandonner.
Mais les deux Etats sont voisins dans la barque de la mondialisation et la Chine offre de telles perspectives économiques au Japon que l’on peut gager sans trop de risques sur une bémolisation des divergences idéologiques. D’autant plus que le Japon sort à peine d’une longue crise où la main invisible de Washington joua un rôle très visible.
Avec ce rapprochement Pékin-Tokyo, c’est le centre de gravité de la planète qui se déplace un peu plus vers le Pacifique. Le processus s’est enclenché il y a un quart de siècle quand, pour la première fois, les échanges globaux des Etats-Unis avec l’Extrême Orient dépassèrent ceux qu’ils avaient traditionnellement avec l’Europe.
Depuis, le mouvement n’a fait que s’accentuer et le décollage économique de la Chine a même provoqué le retour des Européens, non plus en colonisateurs, mais en partenaires.
Ce pôle de développement extrême-oriental pèse déjà sur la planète entière. Parce que deux autres grands Etats riverains du Pacifique, le Canada et l’Australie en tirent des avantages et peuvent offrir à ces puissances industrielles matières premières, ressources énergétiques et alimentaires.
Parce que, de surcroît, Chine et Japon interviennent de plus en plus dans les affaires du monde. Le Japon en participant (un peu) aux équipées guerrières de Washington.
La Chine en prenant plus que pied en Afrique. Qui eût cru il y a encore quelques années qu’un pays comme le Soudan pourrait tenir tête à la communauté internationale sur la question du Darfour parce que la Chine qui lui achète son pétrole le soutient à l’ONU?
