Après des années de palabres, la Suisse libéralise enfin, en avril, le dernier kilomètre. Avec des conséquences rapides pour les usagers.
Enfin! Depuis l’ouverture du marché des télécoms en 1998, la dernière étape de la libéralisation, celle du «dernier kilomètre», résistait toujours au monopole de Swisscom: impossible de se raccorder au réseau téléphonique sans passer par l’opérateur national.
Souhaité et mis en œuvre par des gouvernements de gauche en Allemagne et en France, ce que l’on appelle aussi «dégroupage de la boucle locale» a été bloqué en Suisse par le parti socialiste (relayé par son Conseiller fédéral), défenseur historique du monopole de Swisscom.
Finalement, en avril, Swisscom sera contraint de mettre à disposition des acteurs privés les lignes de cuivre qui vont jusqu’au domicile des particuliers. Engagée, la bataille se prolonge désormais au niveau des tarifs: mardi, Swisscom a déclenché de violentes réactions des privés en annonçant un tarif de 31 francs par raccordement pour la location de son infrastructure:
«C’est grotesque si l’on compare à la moyenne européenne qui est de 10 euros, résume Philippe Roditi, patron du groupe VTX. On s’attendait à ce que ce soit un peu plus cher que chez nos voisins, mais pas à ce point. Comme les autres, nous déposerons une plainte auprès de la Commission fédérale de la communication.»
Concrètement, les opérateurs ont déjà commencé à installer leur équipement dans les centraux Swisscom de quartier (il y en a 1500 en Suisse) afin de relier les lignes téléphoniques existantes à leur propre réseau. Ils ne pourront le faire d’un seul coup, et les offres dégroupées interviendront donc progressivement sur le territoire suisse, en fonction des choix stratégiques de chaque opérateur, avec des conséquences importantes sur les offres. Panorama.
I. La fin de l’abonnement Swisscom obligatoire
L’usager n’aura plus besoin de payer 25 francs par mois à Swisscom pour son raccordement au réseau téléphonique. L’opérateur choisi ne proposera pas uniquement le téléphone, où les marges sont faibles, mais un ensemble de prestations incluant une liaison Internet à haut débit.
Les premiers sur le marché ne seront pas les poids lourds comme Tele2 ou Sunrise. «Nous démarrons seulement à la fin de l’année, voire après, dit Mathieu Janin, porte-parole de Sunrise. Notamment parce que nous voulons couvrir 80% de la population.»
Des acteurs plus modestes comme VTX, Ticinocom, Cyberlink ou Solnet se lanceront bien avant. «Nous sommes prêts et nous figurerons parmi les premiers avec une offre en avril déjà, avance Philippe Roditi, directeur de VTX. Nous équiperons rapidement 600 centraux, en mettant l’accent sur la Suisse romande.»
Pour des raisons économiques évidentes, les grandes agglomérations seront mieux desservies que les régions périphériques, et bénéficieront d’un plus grand choix.
II. Internet plus rapide et moins cher
En matière d’ADSL, les opérateurs privés n’avaient jusqu’ici qu’une marge de manœuvre très faible, puisque les services restaient formatés par Swisscom qui, en situation de monopole, n’avait que peu d’intérêt à baisser les prix et augmenter les capacités.
Ailleurs en Europe, le dégroupage a stimulé la concurrence et déclenché une chute des tarifs des liaisons à haut débit. «Notre première offre inclura la téléphonie et à une connexion ADSL de 8 Mbps pour un prix inférieur aux 47 francs par mois facturés actuellement pour une liaison trois fois moins rapide», dit Philippe Roditi.
Les communications vocales utiliseront la même ligne Internet (on parle de téléphonie IP), ce qui ne change rien pour l’usager puisque le combiné s’utilise de la même manière et répond au même numéro. Les tarifs des conversations seront cependant sensiblement inférieurs à ceux appliqués par Swisscom.
III. Des nouveaux services
Parallèlement à Swisscom, les acteurs privés développeront de nouvelles prestations sur l’infrastructure existante. Comme on le voit dans les autres pays, les principaux sont la télévision et la vidéo à la demande. Ainsi, en France, l’opérateur Free propose pour 30 euros par mois (48 francs) plusieurs lignes téléphoniques, une connexion à très haut débit (28 Mbps), 200 chaînes de télévision, et un service de vidéo à la demande avec téléchargement de films.
«C’est évidemment un exemple à suivre et nous travaillons déjà sur de telles offres, poursuit Philippe Roditi. D’ici à l’automne, nous aurons une offre audiovisuelle, c’est une évolution indispensable.»
Du côté de la téléphonie, la gestion des appels devient plus souple: on peut dévier ses appels, consulter son répondeur par Internet ou se faire envoyer les messages audio par e-mail. Autant de services, précieux pour les entreprises, qui nécessitaient jusqu’ici l’acquisition de centraux coûteux.
Les offres de dégroupage intéresseront donc particulièrement les entreprises, qui pourront bénéficier de connexions à internet performantes et de la flexibilité d’un central téléphonique, sans en faire l’acquisition.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du jeudi 29 mars 2007.
