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Arrestation des marins britanniques: le contexte d’un casus belli

La plupart des conditions à une guerre sont aujourd’hui réunies. Anglais et Américains ont multiplié les harcèlements antiiraniens depuis quelques semaines. Flashback.

Il y a toujours dans la recherche d’un casus belli une part de machination et une part d’impondérable. La machination relève de la mise en place d’une série de mesures psychologiques, diplomatiques ou militaires, de la création d’une atmosphère, d’un climat, d’un conditionnement qui, le moment opportun, feront apparaître le déclenchement des hostilités comme allant de soi.

L’impondérable regroupe toutes les variables indépendantes de la volonté des uns et des autres, en particulier de chacun des camps appelés à se mesurer ouvertement. Cela peut aller de réactions populaires imprévisibles à une escalade militaire incontrôlable.

En déclenchant l’incident du Tonkin en été 1964, Lyndon B. Johnson espérait plutôt s’assurer une élection triomphale à l’automne que déclencher le processus qui l’éjecterait de la grande histoire et mettrait la puissante Amérique à genou devant d’humbles Vietnamiens.

L’arrestation de 15 marins et marine britanniques par les forces iraniennes relève-t-elle de ce genre d’incident? Il est bien sûr trop tôt pour le dire — le casus belli n’existe qu’à guerre advenue.

Mettons que la plupart des conditions à une telle issue sont aujourd’hui réunies. A commencer par l’achèvement du redéploiement militaire anglo-américain dans le Golfe persique.

Car Londres vient d’augmenter significativement sa présence navale. Et, comme le dit une dépêche Reuters (28.03.07), «l’incident, qui coïncide en outre avec des manœuvres navales américaines dans le Golfe, a provoqué une brève flambée des cours du brut, dans la nuit. Pour la première fois depuis 2003, deux porte-avions américains croisent dans le Golfe pour des exercices prévus de longue date.»

Loin d’être longue, la date remonte à la décision de Bush d’augmenter la pression militaire sur la région après sa défaite électorale. Depuis lors, la presse étasunienne ne cesse de faire état de rumeurs annonçant une intervention militaire — des frappes aériennes — contre l’Iran coupable d’être chiite, révolutionnaire, antiaméricain, non dénué de richesses naturelles et avide d’hégémonie politique régionale.

Par respect pour la chronologie (et sans remonter au coup d’Etat fomenté par Washington contre Mossadegh en août 1953!), il faut tout de même rappeler qu’au-delà du contentieux nucléaire, les «coalisés» occupant l’Irak ont multiplié les harcèlements antiiraniens depuis quelques semaines.

Le 11 janvier, cinq personnalités iraniennes officiellement invitées par les autorités régionales kurdo-irakiennes sont enlevées à Irbil par des troupes américaines. Le 4 février, un détachement irakien sous commandement américain enlève un diplomate iranien en plein cœur de Bagdad. Le 14 février, les Iraniens accusent les Américains d’être derrière l’assassinat de onze Gardiens de la Révolution dans le Baloutchistan iranien.

Ce n’est pas tout! Le Mossad serait aussi en action. Selon un haut responsable des services de renseignements américains, ce sont les services israéliens qui auraient organisé la désertion du général iranien Ali Reza Askari, ancien vice-ministre de la Défense. De même, on voit la main du Mossad derrière la mort très suspecte de Ardeshir Hosseinpour, un jeune et brillant physicien disparu en janvier dernier.

A force de tirer sur la corde, les Anglo-Américains finiront par la casser. Au mépris de la volonté de leurs deux peuples maintenant réunis dans une commune aversion pour une guerre qui s’annonce encore beaucoup plus désastreuse que ce que l’on pouvait imaginer il y a quatre ans lors de son déclenchement.

Les démocrates américains viennent de se prononcer pour un retrait d’Irak en mars prochain. Les travaillistes britanniques seraient bien avisés de suivre leur exemple et de le faire savoir.

Cela hâterait à coup sûr le retour de leurs soldats arrêtés.