Les faux produits de luxe vendus à bas prix, on connaît: c’est de la contrefaçon. Mais les vrais produits bas de gamme vendus très cher, ça existe aussi. Exemple chez Louis Vuitton.
On les connaît, ces grands cabas à carreaux, ces fourre-tout en plastique style Ikea. Les plus démunis en ont fait leurs malles. On les aperçoit dans les files d’attente des aéroports, devant les guichets d’enregistrement pour des destinations africaines.
Dans les endroits touristiques, les marchands à la sauvette en font usage également. Ils y fourrent rapidement leurs montres, parfums et sacs contrefaits lorsque survient à l’improviste une équipe de policiers.
Depuis quelques années, je suis une inconditionnelle de cet équipement né d’un détournement des sacs de rangement.
Chez moi, ils sont omniprésents, remplissant de multiples fonctions. Ainsi, en ce moment, ma garde-robe estivale hiberne dans un modèle quadrillé vert et rouge alors que mes raquettes et bâtons télescopiques ont pris place dans un quadrillé bleu et rouge.
En feuilletant «Annabelle», je viens d’apprendre que je ne suis en rien originale mais banalement trendy! Le magazine zurichois a retenu ces sacs appelés Türkentasche, sacs de Turcs, au nombre des accessoires tendances en 2007…
Louis Vuitton en a d’ailleurs sorti une version de prestige. Mettre sa griffe sur une copie luxueuse de pareils sacs en plastique, voilà une surprenante forme de «contrefaçon inversée».
Dans une boutique du célèbre maroquinier, au Park Hôtel de Gstaad, la vendeuse me répond: « Oui, je vois ce dont vous parlez, ces grands sacs qu’utilisent les immigrés. Non, nous ne les avons pas encore reçus, ils arriveront en mars.»
Lors de leur départ en vacances, les riches n’hésiteront certainement pas à débourser 3020 francs pour singer les immigrés aux guichets d’enregistrement «first class» avec un sac imitation plastique en cuir véritable. Vuitton, une des marque les plus copiées, entend faire de l’argent avec ce nouveau produit, clin d’œil à la contrefaçon qui lui a fait perdre des millions.
La marque française consacre chaque année plus de 15 millions d’euros à la lutte contre la copie illégale de ses produits.
La Suisse, principal pays de transit des marchandises contrefaites saisies dans l’UE, vient de lancer Stop Piracy, la première campagne de sensibilisation nationale contre la contrefaçon et le piratage. Ces fléaux facilités par internet coûteraient 2 milliards de francs par année à notre pays.
Quant à cette nouvelle forme de «contrefaçon inversée», à qui porte-t-elle préjudice? Qu’y voir? Une appropriation méprisante, humiliante, un simple transfert d’image, un exercice de design ou une forme de solidarité, de compassion initiée par Benetton?
