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Les enjeux (et le tabou) du Kosovo en 2007

Alors que les électeurs serbes élisent leur parlement, la question du Kosovo reste toujours aussi problématique. Mais le dossier évolue, tant à Vienne qu’à Bruxelles. Explications.

Dimanche 21 janvier, les électeurs serbes vont élire un nouveau parlement. Des élections législatives qui passeraient inaperçues si elles ne devaient (en principe) ouvrir la voie à une solution de la question du Kosovo.

Pour mémoire, il convient de rappeler que cette province albanophone à 90% (à côté de minorités serbe et rom) connaît depuis huit ans une très curieuse existence internationale. En été 1999, au lendemain des bombardements de l’OTAN, les puissances s’accordèrent pour renouer avec une tradition remontant aux lendemains de la Première Guerre mondiale, la mise sous mandat d’un pays.

L’opération fut réalisée sans grand souci du droit international et du respect de la souveraineté yougoslave. A leur décharge, il faut reconnaître que les Yougoslaves (devenus entre temps Serbo-Monténégrins, puis dès 2006, Serbes tout court) n’avaient de leur côté guère respecté la souveraineté de leurs voisins.

Le 10 juin 1999, par sa résolution 1244, l’ONU décidait de soustraire le Kosovo à la tutelle serbe et de le gérer directement par le truchement d’une administration onusienne, la MINUK.

Deux jours plus tard, les mêmes puissances, mais sous une autre casquette, celle de l’OTAN, décidaient d’envoyer quelques dizaines milliers de soldats remettre un peu d’ordre dans la région. Ce fut le mandat donné à la KFOR. La mission des uns et des autres s’est plutôt bien déroulée. Il y eut certes quelques accrochages par-ci par-là, mais rien de grave.

Reste le problème de fond: cette solution, provisoire par définition, n’a rien changé aux ardeurs nationalistes des uns et des autres, ni à leur volonté de ne pas vivre ensemble.

L’enjeu n’est pas simple: la Serbie tient à conserver sa province du Kosovo (et les électeurs voteront en ce sens dimanche selon toute probabilité) mais ils la trouveraient encore plus belle si elle ne contenait aucun Albanais. C’est cette tentative de purification ethnique qui a été bombardée en 1999. Vu les résultats pour l’armée serbe, il lui est difficile de recommencer.

Par ailleurs, la cohabitation de Kosovars serbophones et albanophones au sein d’un Kosovo indépendant s’avère tout aussi improbable, la majorité albanaise rendant la vie impossible à la minorité serbe.

Il existe une solution qui vue de très loin paraît simple: c’est le rattachement à la Serbie de la Kosovska Mitrovica, région septentrionale peuplée de Serbes et la proclamation de l’indépendance d’un Kosovo albanais. Mais elle est interdite par un tabou international: on ne touche pas aux frontières des Etats, ils peuvent se multiplier par scissiparité, mais sans toucher aux frontières des Etats, provinces, districts, etc.

Vu les grands massacres ethniques du XXe siècle, ce tabou relève de la sagesse non sans parfois compliquer les choses. Il suffit à ce propos de ne pas oublier que, sur cette planète, tous les Etats, à de rarissimes exceptions près, ont des frontières mal ficelées contenant une grande variété de populations en leur sein.

Dans les Balkans, ces problèmes sans solution sont très nombreux. Pour rester en surface, signalons à côté du Kosovo deux zones très sensibles, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, elles aussi sous contrôle international. Si le Kosovo se met à tanguer, ces deux pays vont valser car leurs équilibres internes sont aussi instables que la nitroglycérine transportée par Yves Montand dans «Le salaire de la peur».

Dimanche donc, les Serbes vont réitérer leurs exigences d’intégrité étatique et de refus de l’indépendance kosovare. Dès le lendemain la diplomatie internationale va se mettre en mouvement. La chancelière Merkel, présidente européenne a déjà affirmé sa volonté de régler le dossier. Elle a raison: le Kosovo est suffisamment éloigné de la France pour que l’Union européenne puisse y faire quelque chose. Mais quoi?

Le 26 janvier, deux réunions de haut niveau sur le Kosovo sont à l’agenda. A Bruxelles, l’occupant militaire fera le point lors d’un sommet des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN. Il reste actuellement un peu moins de 20000 soldats au Kosovo. Quel est leur avenir? Retrait ou maintien à perpète?

Le même jour, à Vienne, le groupe de contact sur le Kosovo (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie et Russie) va écouter un rapport de son émissaire Martti Ahtisaari qui devrait leur dire que les Albanais du Kosovo veulent au plus vite leur indépendance et que les Serbes sont prêts à tout, sauf à accorder l’indépendance. D’après ce qu’il a laissé filtrer, il va proposer sinon une indépendance graduelle, du moins un certain degré d’indépendance. Soit un emplâtre sur une jambe de bois.

Mais il a une excuse: les Serbes, loin d’être aussi isolés qu’on le croit en Europe occidentale, ont le soutien de Moscou et de Pékin. Dans les conditions actuelles, l’ONU ne pourra jamais reconnaître le Kosovo. Le spectre de la guerre civile n’a donc pas fini de tourner au-dessus du cœur des Balkans.