200’000 enfants souffrent d’obésité en Suisse. Riches ou pauvres, le fléau affecte désormais tous les milieux sociaux. Une fondation romande propose des cours de sport aux enfants en surpoids.
Michaël a remarqué qu’il perd haleine rapidement quand il entame un petit galop. «Et mes articulations me font souvent mal», ajoute-t-il. La faute à un surpoids qui le handicape. A douze ans, Michaël pèse 82 kg pour 162 cm. Une corpulence excessive qui peut l’amener à rencontrer des ennuis de santé, dont le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Des maladies qui affectent les jeunes de plus en plus tôt.
Depuis quelques mois, l’écolier court et saute tous les mercredis après-midi dans une salle de gym avec d’autres camarades en surpoids réunis sous l’égide de la Fondation Sportsmile. La doctoresse Nathalie Farpour-Lambert, pédiatre spécialisée dans les problèmes de surpoids aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a initié ce projet il y a une année afin de donner le goût de l’activité physique aux enfants sédentaires. «A cet âge, les régimes sont peu efficaces. Nous cherchons donc à tirer les jeunes loin de la télé et de l’isolement.» Sportsmile propose aux enfants en âge de scolarité qui souffrent de maladies chroniques (obésité, diabètes, asthme, etc.) une large gamme de sports dont le football, le basket-ball, la natation, la gymnastique, le hip-hop, le badminton et même le yoga, dans les cantons de Genève, Vaud et, dès janvier 2007, dans d’autres cantons suisses.
Moins stigmatisant qu’une leçon de gymnastique à l’école durant laquelle les moins athlétiques sont parfois marginalisés par leurs camarades, les cours Sportsmile permettent aux enfants en surpoids d’évoluer librement. Les animateurs favorisent la réflexion et dispensent leurs conseils pour persévérer à domicile. «On recommande une heure d’activité physique chaque jour qui peut se répartir entre de la marche, des jeux en extérieur et des activités en famille.» Un complet changement d’hygiène de vie pour certains: «Quand je rentrais de l’école, je campais devant le frigo, admet Michaël. Maintenant je vais jouer dehors, je fais du foot et de la trottinette.»
Après trois mois de mouvements, Michaël a stabilisé son poids et s’est affiné. Un bon début pour un adolescent en croissance. «C’est le but que l’on cherche à atteindre. Nous voulons avant tout sensibiliser les enfants par ce programme et leur inculquer des principes d’hygiène de vie dont l’activité physique constitue la première base», explique Laetitia Keller, coordinatrice des activités sportives pour la Fondation.
Inquiétante, la vague de surcharge pondérale a déjà commencé à submerger les sociétés occidentales. «L’obésité a aujourd’hui surpassé la malnutrition dans le monde, ont dévoilé récemment des experts à l’occasion de la conférence mondiale de l’obésité à Sydney», confirme Nathalie Farpour-Lambert. L’abondance en nourriture plonge les enfants dans la «pléthore alimentaire». «Les apports sont trop grands par rapport à l’énergie dépensée. Les aliments proposés aux enfants sont souvent riches en énergie (sucre, graisse) et pauvres en valeur nutritive. Les boissons sucrées sont un facteur aussi clairement mis en cause.»
Récemment, l’International obesity task force a émis une première recommandation visant à interdire le marketing des aliments riches en énergies destinés aux enfants. Une proposition qui a trouvé écho au sein des ministres de la santé européens. Ils ont signé une charte dans ce sens.
Mais les humains ne sont pas égaux face à l’obésité: «Certaines personnes ont une susceptibilité génétique à l’excès de poids. Elles doivent donc contrôler d’autant plus leur alimentation et augmenter leur activité physique.» Le milieu familial joue un rôle, même si ce facteur tend à s’effacer, les comportements nocifs à se généraliser (voir encadré). «Il n’existe pas d’étude scientifique en Suisse à ce sujet, mais on remarque un lien entre surpoids et origines socioculturelles. Pour une population immigrée, avoir des enfants dodus, bien nourris, est un signe d’opulence. Ceux dont les moyens sont plus limités achètent en priorité des produits moins chers dont la qualité nutritive est souvent plus basse.»
Valentina, douze ans et quelques kilos superflus, raffole de la pita, un plat des Balkans plutôt costaud: «Avant je me resservais deux assiettes à chaque repas», témoigne la fillette. Un comportement à éviter, dit Nathalie Farpour-Lambert, par exemple en ne posant pas les plats sur la table, en en remplaçant les boissons sucrées par de l’eau. «J’encourage en outre les enfants à goûter de tout et à manger cinq fruits ou légumes par jour.»
Pour être efficace à cet âge, une alimentation équilibrée doit s’accompagner d’activités physiques. En famille si possible: «Les parents devraient se déplacer à pied ou à vélo et accompagner leurs enfants en balades le week-end. C’est très important qu’ils montrent l’exemple.» En revanche, les activités immobiles face aux écrans d’ordinateurs, de télévisions et de jeux vidéos ne devraient pas dépasser une heure quotidienne, d’autant qu’elles s’accompagnent souvent de grignotages. Un autre domaine dans lequel les parents pourraient jouer la solidarité.
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Les riches aussi…
L’obésité touche toutes les couches sociales sans distinction. C’est l’enseignement que l’on tire d’une étude de l’Université de Manchester parue cet automne. Le professeur Iain Buchan et son équipe de chercheurs ont étudié un large panel de près de 50’000 enfants de 3 à 11 ans à travers plusieurs villes du nord de l’Angleterre. Dans l’ensemble, l’obésité des enfants a doublé en une décennie, touchant près de 10% des écoliers anglais en 2004. Les clivages entre riches et pauvres, très marqués dans la décennie précédente, se sont estompés. On trouve autant d’enfants en surpoids, à 3 comme à 11 ans dans les districts aisés que dans les districts pauvres des villes du nord de l’Angleterre. On découvre même que le poids à la naissance des rejetons de familles riches dépasse celui des nouveaux-nés défavorisés. «Le surpoids chez la mère augmente le risque d’obésité pour l’enfant, en particulier en cas de diabète gestationnel», commente Nathalie Farpour-Lambert. Tous adoptent les mêmes comportements alimentaires et sédentaires nocifs alors qu’un pouvoir d’achat supérieur permettrait, en théorie, de mieux sélectionner des aliments à haute teneur nutritionnelle.
