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Ordinateur à 100 dollars, designer suisse

Yves Béhar, 39 ans, designer industriel suisse basé à San Francisco, s’était fait connaître en relookant les chaussures orthopédiques Birkenstock. Avec le Massachusets Institute of Technology (MIT), il vient de développer le premier ordinateur à cent dollars — cent quarante dollars en réalité — destiné aux enfants des pays en voie de développement.

Lancée par Nicholas Negroponte, fondateur du MIT Media Lab, sous l’égide des Nations Unies, l’opération «One laptop per child» devrait combler à terme la fracture numérique. Yves Béhar, à la tête du bureau Fuseproject, a conçu cet objet malin et ludique dont le prix ne reflète pas les prouesses technologiques.

Par exemple, pour remédier aux problèmes d’accès à internet, les machines pourront dialoguer entre elles et créer un petit réseau. Une seule connexion sera donc nécessaire pour plusieurs ordinateurs. La Chine, le Niger, le Brésil et l’Egypte ont déjà passé commande du petit PC.

Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans ce projet social?

Nicholas Negroponte m’a contacté par le biais du Musée d’Art Moderne de San Francisco qui nous avait recommandés.

Quels sont les paramètres qui ont dicté votre démarche dans la conception du design?

Nous voulions en faire un objet désirable, amusant et bien dessiné, qui plaise aux enfants. Il fallait produire un ordinateur simple avec une intégration optimale du système. Chaque élément joue plusieurs rôles. L’antenne, par exemple, sert en outre de micro, de connexion audio, de protection pour les ports USB et de fermoir. La batterie dure très longtemps avec une consommation de 2 watts. Elle fonctionne avec trois énergies alternatives, une corde qu’on tire, une manivelle ou une pédale. L’écran révolutionnaire offre la possibilité de lire en plein soleil, un élément crucial en Afrique.

Comment avez-vous réussi à limiter les coûts de production de l’ordinateur?

Nous n’avons fait aucun compromis au niveau du design. Deux éléments critiques font baisser les frais: la production de masse d’une part et la réunion de tous les éléments électroniques à côté de l’écran. La taille réduite de l’écran et l’emploi de Linux participent également à cette réduction des frais.

Quand sera-t-il disponible?

Actuellement, il est en phase de test. Normalement, la production démarre au printemps. Il devrait donc être distribué en grande quantité aux enfants fin avril 2007.

Est-ce qu’on le trouvera en Suisse?

Oui, si l’Etat l’achète. Son plan de distribution diffère radicalement des ordinateurs traditionnels. Les pays sont directement acheteurs. La diffusion dépend donc de la volonté politique des états. Le modèle est totalement adapté aux Occidentaux.

La dimension sociale d’un projet, c’est important pour vous?

Nous menons des projets qu’on peut diviser en trois pôles: les réalisations pour les grandes industries, les projets plus conceptuels pour des galeries et des musées et enfin les activités à but non lucratif comme cet ordinateur. Dans la même veine, nous entamons un partenariat avec la ville de New York en vue de développer un projet en rapport avec le sida.

Votre bureau Fuseproject accumule les mandats prestigieux. Comment en êtes-vous arrivé là?

Nous nous sommes profilés à l’origine sur des projets en rapport avec les nouvelles technologies et toutes leurs applications dans des domaines très différents (par exemple les tongs Fuse avec puce intégrée qui adapte la semelle automatiquement à la forme du pied, ndlr). Mais nous collaborons également avec des institutions de design sur une échelle globale, sans nous enfermer dans un style particulier.

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Une version de cet article est parue dans Reflex, nouveau magazine publié par l’EPFL et réalisé par Largeur.com ,