Le meilleur ami de l’homme semble définitivement intégré dans le cercle familial. Une tendance anthropomorphique qui présente de substantiels intérêts commerciaux.
La typologie des cadeaux suggérés dans les revues tendance est plus éloquente que bien des travaux académiques. Un constat immédiat: la famille traditionnelle a laissé place à un nouvel agglomérat. Pas question d’oublier son «ex» à qui on offrira un album de photos, les enfants de sa nouvelle compagne qui apprécient les BD, belle-maman qui aime les fleurs, le psy accro au chocolat et, nouveau venu dans le cercle intime, le chien…
Les chiens figurent désormais parmi les destinataires de présents. A la TV, un spot publicitaire nous le rappelle, «Noël, c’est aussi une affaire de chiens». La plupart des magazines les ont intégrés dans leurs pages cadeaux (le mensuel Baboo Time ne fait pas exception).
Pour témoigner de son amour à son protégé, le propriétaire de chien a l’embarras du choix; le marketing a flairé le profit à retirer de cette tendance anthropomorphique. Il peut penser à la gourmandise de l’animal, à son élégance, à son envie de distraction, au maintien de sa forme physique ou psychique, à prévenir les effets de son âge, au confort de son sommeil.
Du lit en poil de chèvre signé Gucci à 2’000 dollars pour les propriétaires fortunés aux cartes de vœux comestibles pour les fauchés, en passant par toute une gamme de vêtements haute couture, lunettes de soleil ou autres colliers griffés très en vogue cette année, les objets les plus délirants ne manquent pas. Dans «Mon chien a de la gueule», Franck Schmitt et Claire Curt prennent à rebrousse-poil les tendance kitsch, ringardes et mercantiles de la mode canine.
Ces histoires d’amour se traduisent par des dépenses qui, aux Etats-Unis, dépasseraient les dépenses consacrées aux jouets pour les petits humains. Neuf Américains sur dix prévoient cette année de dépenser jusqu’à 50 dollars pour leur toutou chéri.
Pas de doute, les chiens font partie de la famille. D’ailleurs, quand elle éclate, ne leur réserve-t-on pas souvent, comme pour les enfants, une garde alternée? Et, de plus en plus de couples sans progéniture traitent leur animal de compagnie comme un enfant de substitution, estime Peter Neville, spécialiste en comportement animalier à l’Université de Bristol.
L’Eglise anglaise vient même d’accepter leur présence lors des cérémonies de mariage, où ils peuvent désormais endosser un rôle officiel: porteur d’alliance.
Le magasin PetLondon, la grande adresse canine londonienne, a vendu l’an dernier pas moins de 700 tenues spécialement conçues pour des mariages. Melody Lewis, le directeur de l’entreprise confirme: «Mes clients traitent leurs animaux comme s’ils étaient des membres de leur famille». On ne compte plus les sites et blogs qui l’attestent.
Pauvres humains qui oublient que, du bout de sa truffe à la pointe de sa queue, un chien est et restera toujours un animal dont la philosophie de la vie, si bien résumée par Paul Auster, est «ce que tu ne peux ni manger ni foutre, pisse dessus» («Tombouctou», Actes Sud, p.46).
