LATITUDES

Une révolution guette la Tribune de Genève

Deux ans après le lancement d’une nouvelle formule, le quotidien genevois va à nouveau faire peau neuve cet automne. Un changement de rédacteur en chef est au programme.

Les événements se précipitent à la Tribune de Genève. Fin août, Dominique von Burg annonçait son départ du poste de rédacteur en chef pour se consacrer au rôle d’enquêteur local, une forme de préretraite pour l’ancien producteur de l’émission Temps présent de la Télévision suisse romande.

Pierre Ruetschi, actuel rédacteur en chef adjoint, part favori pour reprendre le poste vacant. En qualité d’homme du sérail, il assurerait une continuité dans une rédaction qui n’aime pas trop se faire brusquer. Il devrait alors concrétiser les chantiers de réforme qu’Eric Hoesli a récemment concoctés pour le titre genevois. Promu superdirecteur des publications régionales du groupe Edipresse à l’été 2005, l’ancien rédacteur en chef du journal Le Temps a présenté dans le secret, il y a dix jours, ses projets pour la rédaction du bout du lac. Il ne désire pour l’instant rien laisser filtrer de ses intentions:

«Tout ce que je peux vous dire, c’est que la philosophie diffère de ce que nous avons engagé à 24 Heures. C’est un projet beaucoup plus fondamental», laisse-t-il simplement augurer.

Plus concrètement, la révolution sera avant tout numérique, c’est du moins ce qu’on entend du côté de la rue des Rois, au siège de la rédaction. Transfert d’effectifs et d’activités vers le net, mais aussi synergie renforcée avec 24 Heures semblent représenter les grands axes de ces nouveautés.

L’agenda d’Edipresse prévoit de lever officiellement le voile sur ces évolutions et sur le nom du nouveau rédacteur en chef à la mi-octobre. «Mais on sait que parfois les choses évoluent de façon différente à Genève», nuance Michel Horwath, responsable communication de l’éditeur lausannois.

Cette «différence» genevoise a déjà stoppé net plusieurs tentatives de réforme, dont un premier cahier «rouge/bleu» commun avec le quotidien vaudois 24 Heures en 2002 et une externalisation des secteurs non rédactionnels en 2005. A chaque fois, la SDR (Société des rédacteurs de la Tribune de Genève) s’est opposée à ces mesures d’économies, préavis de grève à l’appui. Mais aujourd’hui, la marge de manoeuvre de la rédaction de la «Julie» semble plus réduite. Si la présentation d’Eric Hoesli n’a pas soulevé un fol enthousiasme, elle n’a pas non plus réveillé l’esprit de révolte.

«La presse régionale subit actuellement des bouleversements si profonds qu’à peu près tout changement peut paraître acceptable à la Tribune», estime Antoine Maurice, ancien éditorialiste du journal qui enseigne aujourd’hui la communication à l’Université de Neuchâtel. Minime quand on tient compte des marges d’erreur, l’érosion du lectorat (2000 lecteurs perdus en 2005, 20’000 depuis 2000 sur un total de 175’000 selon les chiffres des études REMP) s’associe à une baisse de la vente au numéro et à un recul des rentrées publicitaires. L’arrivée des gratuits n’a pas provoqué l’effondrement craint, mais mordille dans le bénéfice du journal.

Internet mettra-t-il fin à ce lent mais inexorable déclin? Dans le canton de Vaud, 24 Heures a inauguré une formule plutôt maligne. Ses correspondants locaux rédigent leurs articles sous formes de blogs. Le journal imprimé devenant alors une sorte de best of de ces chroniques locales en ligne.

Quelle place va prendre le média électronique dans le dispositif de la Tribune, cela reste encore à élucider. Plutôt évasif, Pierre Ruetschi explique: «Notre but est d’élargir notre audience en opérant ce basculement progressif sur le net. Le pari est de passer d’un mode monocanal à un mode multicanal.»