Comment transformer un excellent film amateur en machine à dollars? Retour chronologique sur 24 mois de marketing inventif.
«The Blair Witch Project» a fait l’objet d’une campagne de marketing qui restera dans l’histoire du cinéma. Le film a été tourné en huit jours, en octobre 1997, avec 50’000 dollars pour tout budget (aux Etats-Unis, un modeste film d’auteur coûte déjà cent fois plus). Comment a-t-il pu rapporter 3000 fois la mise de départ?
En juin 1998, les deux réalisateurs, Mytrick et Sanchez, dépensent une centaine de dollars pour ouvrir leur site à l’adresse www.blairwitch.com. La pré-campagne de promotion commence sur le Web.
La première projection publique a lieu le 23 janvier 1999 au Festival de Sundance. Pour l’occasion, les deux réalisateurs affichent des faux communiqués de police sur les murs de la ville, avec les photos des trois étudiants «disparus». Info ou intox? Les spectateurs hésitent. C’est à ce moment-là que le studio indépendant Artisan Entertainment décide d’acquérir les droits du film pour 1,1 million de dollars.
Artisan Entertainment a les moyens de ses ambitions (la compagnie est financée par Bain Capital, qui gère les droits vidéo de milliers de films hollywoodiens), mais aussi quelques idées originales: ses trois directeurs vont transformer «Blair Witch» en film culte. Pendant le mois d’avril 1999, ils présentent le film dans une quarantaine de collèges, histoire de tester les réactions du public: elles s’avèrent positives. Au même moment, une deuxième campagne de promo est balancée sur le Net, en commençant par le site Ain’t It Cool, célèbre e-zine dédiée au cinéma.
En mai, le film est présenté à Cannes, où il remporte le prix du jeune public. Une bande-annonce de «The Blair Witch Project» est alors diffusée sur MTV. En juin, une autre bande-annonce est projetée en ouverture de «Star Wars» et des publicités apparaissent dans divers journaux branchés, dont «The Village Voice». Le 1er juillet, 75’000 flyers sont distribués pour annoncer la sortie de «Blair Witch, le livre» (le film n’est pas encore sur les écrans). Le disque et la BD sont publiés quelques jours plus tard.
A la mi-juillet, la campagne TV commence avec un faux documentaire sur l’affaire «Blair Witch» diffusé sur Sci-Fi Channel. Et le 16, le film sort enfin, dans 26 salles sélectionnées pour leur faible capacité. Des queues se forment devant les guichets, «Blair Witch» devient un phénomène de société. Le distributeur avait tout prévu: quinze jours plus tard, le film est projeté dans plus de 1000 salles. Le 6 août, ce chiffre passe à 2’142.
Chauffés par les sites qui se multiplient sur le Net, tous les adolescents américains veulent voir ce qu’on appelle «le film le plus effrayant de l’Histoire». Certains de ce sites ont sans doute été créés par des fans, mais il semble bien que certains d’entre eux ont été téléguidés par le distributeur.
En octobre 1999, «The Blair Witch Project» a rapporté près de 140 millions de dollars. Chez Artisan Entertainment, on prépare déjà le numéro 2.
