- Largeur.com - https://largeur.com -

Christa & Sylvia & Mix & Remix, le quarteron qui fait suer Blocher

Il n’aurait pas dû y aller. On l’avait affirmé ici même, très péremptoirement: Christoph Blocher avait bien raison de refuser les débats contradictoires sur l’asile.

Il a voulu faire une exception pour Infrarouge, sans doute mu par cet amour aveugle et touchant de la Suisse romande qui l’a toujours caractérisé et qu’il s’efforce, bien maladroitement, de dissimuler, sans tromper personne. Et voilà le résultat.

Traumatisé, ulcéré, révolté, révulsé, en un mot scandalisé, le tribun. En plus, les agresseurs se sont mis à deux, ou presque. Blocher pris en tenaille entre Mix & Remix.

En plus, cet homme là n’est pas aidé, il n’y a qu’à voir sa famille, une source de désagréments à répétition. Car il n’y a pas que Mix & Remix pour lui saboter le travail, Christa & Sylvia s’y mettent aussi. Une sœur et une épouse.

La sœur d’abord: Christa s’est prononcée publiquement, haut et fort, contre les deux lois sur l’asile et les étrangers concoctées par son balourd de frérot, les décrétant mal fichues, inefficaces, et moralement insoutenables. On ne peut vraiment compter sur personne.

Sylvia ensuite, l’épouse qui vient casser l’ambiance à l’heure des petits fours et pousser son mari à la faute. C’est elle, comme on sait, qui a piqué une grosse colère à la fin de l’enregistrement de l’émission Infrarouge, estimant que les photos d’actualité et les dessins instantanés de Mix & Remix insérés à l’écran durant le débat laissaient entendre, imaginez-vous ça, que Christoph Blocher, éventuellement, pouvait être, un peu, on ose à peine l’écrire, raciste.

Des Africains décharnés, hagards, souquant en haute mer sur des rafiots de pacotille, voilà pour les photos. D’autres Africains, arrivés à bon port, c’est-à-dire dans l’eldorado helvète, mais dont on supporte à peine ne serait-ce que la vue, et qu’on pourrait, tiens c’est une idée, selon le vieux principe du combat de nègres dans un tunnel, parquer dans les trous béants de nos flambantes neuves NLFA. Voilà pour un des dessins, celui qui a le plus fâché.

Les photos montrées reflètent simplement une réalité quotidienne. Quant aux dessins, disons que Mix & Remix est sans doute le caricaturiste le moins partisan du pays: ses petits bonshommes laissent toutes portes grandes ouvertes, et libres toutes les interprétations. Rien d’asséné, rien de carré, rien de définitif. De l’ironie, du paradoxe, de l’absurde. Là aussi une réalité quotidienne. La réaction de Blocher et de ses services — faire pression sur la TSR pour que l’émission soit caviardée de ses photos et dessins — est, au mieux, incompréhensible.

Pourtant, volant à la rescousse de la télévision, la presse écrite s’est enflammée un peu vite, à l’image du nouveau rédacteur en chef de 24 Heures, estimant la réaction de Blocher «inadmissible, pour une raison majeure» car «visant un des principes les plus sacrés de la démocratie».

C’est quand même gâcher de la munition. Qu’écrira-t-on le jour où Blocher, ou un autre, d’un trait de plume gouvernemental, décidera la mort subite d’Infrarouge et déplacera les Zendali et autres Mix & Remix de la grille des programmes à celles d’un cachot humide?

Et puis l’attitude de Blocher révèle moins son peu de respect de la liberté d’expression que son manque d’envergure. Et montre cruellement que cet homme-là est un politicien d’un autre temps, lorsque la télévision à ses débuts était le plus à-plat-ventré et le plus complaisant des médias.

Lorsqu’il était considéré comme normal, juste et sain — souvenez-vous, c’était il y a 30 ou 40 ans — qu’à la moindre impertinence, l’homme de pouvoir prenne sa plus grosse voix pour gronder le journaliste qui avait osé pété à table.

Politicien d’autres lieux aussi. La réaction de Blocher a été celle, exactement, qu’aurait eu un ministre russe de l’information ou un satrape africain. La chose est d’autant plus évidente qu’il y a, au Conseil fédéral, des gens qui aiment encore moins la télévision que Christoph Blocher.

Pascal Couchepin par exemple, qui considère volontiers la TSR comme une annexe locale de l’Internationale socialiste. Mais le Valaisan a choisi, plutôt que la menace, la dérision, et de se gausser à la moindre occasion de cette liberté de ton dont on se montre si fier du côté du Quai Ernest-Ansermet. Quand il croise un journaliste de la TSR, Couchepin a ainsi pour habitude de s’exclamer: «Tiens, voilà la télévision d’Etat».