LATITUDES

«Le client type est une tête à claques»

Ils dirigent une boîte très en vue en Suisse romande et, à la porte, appliquent une politique drastique de sélection. Ils racontent les ingrédients d’une soirée réussie.

«Un bon club, c’est une bonne porte. Tout se joue à l’entrée.» Ils dirigent une boîte très courue en Suisse romande. Si les deux tenanciers s’expriment aujourd’hui anonymement sur une terrasse, c’est qu’ils ont accepté de parler de la politique appliquée à la porte de leur établissement. Forcément perçue comme injuste, la sélection s’appuie sur de nombreux critères, avec un objectif clair: «Créer le bon mélange pour une fête réussie et, bien sûr, un maximum de rendement.»

Du coup, la sélection prend rapidement l’apparence d’une chasse aux plus riches. Mais comment les reconnaître et différencier les vrais des faux? Le jean/basket/t-shirt habille les stars comme les étudiants. De plus, les grandes chaînes (Zara, H&M) ont rendu accessible à tous la mode des «fashionistas», sans parler des accessoires de grandes marques – sacs, t-shirts – qui s’achètent en contrefaçon pour quelques euros sur les plages italiennes.

«La mode s’est uniformisée mais nous ne regardons pas que les vêtements. Les indices sont nombreux: les accessoires, l’attitude générale, la façon de marcher, de parler – l’accent, le langage -, de se tenir. On regarde si les habits et les chaussures sont bien entretenus. Un plouc endimanché, ça se voit tout de suite.»

A quoi ressemble la cible idéale? «Du côté des très jeunes, c’est un peu terrible à dire, mais le client type est une tête à claques: une sorte de fils à papa de bonne famille, un premier de classe, petit bourge prétentieux de 20 ans qui porte des chemises trop chères. On doit donc expliquer à nos physionomistes qu’ils doivent refuser certains gars qui pourraient être leurs potes et faire entrer ces têtes à claques. Un groupe de quelques jeunes comme ça flambe au minimum 1’000 balles dans la soirée.»

Les discriminations raciales et ethniques sont-elles une réalité? «Nous voulons que la clientèle reflète la société genevoise, donc un mélange. Il y a une sorte de quota naturel: cool d’avoir des Blacks, mais pas trop.»

La richesse n’autorise cependant pas tous les comportements. «Nous avons sorti récemment un Russe qui jetait des billets de 1’000 francs par terre. D’une manière générale, nous refusons les groupes d’hommes, car on ne sait jamais comment ils vont se comporter, s’ils vont se bagarrer.

Cette politique est aussi valable pour un groupe de dix millionnaires arabes ou russes. D’autant que les Russes peuvent devenir très violents. C’est culturel, une fête réussie chez eux doit se terminer par une baston, alors nous devons régulièrement sévir. L’autre soir, notre videur a dû envoyer à terre un type ivre qui cherchait la bagarre. Selon le médecin, s’il n’avait pas bu, il aurait pu finir grièvement blessé. Mais l’alcool rend le corps plus souple et les chutes moins graves. Quelques jours après, il est revenu en nous disant qu’il avait passé une bonne soirée!»