En une semaine, près de 300 civils libanais ont été tués sous les bombes de Tsahal. Où sont les Israëliens opposés à la guerre?
Les bombes, l’artillerie, l’aviation. Une fois de plus, Israël sème la panique chez ses voisins libanais. Les mises en garde provocatrices, les communiqués trompeurs, les estimations exagérées. Une fois de plus, les porte-parole du gouvernement israélien nous assènent leur propagande mensongère à longueur de télévision, de radios, de journalistes «embedded», tellement «embedded» que leur tête ne dépasse même plus la couette.
— Il est inadmissible d’enlever deux soldats de Tsahal, disent-ils. Bien sûr. Mais est-ce une raison pour riposter en tuant 300 civils en une semaine?
— Ces civils sont des terroristes du Hezbollah. Allons donc! Même le Pentagone parle de civils tout court.
–Le Hezbollah a accumulé un armement effrayant. Vous plaisantez? Tsahal possède la bombe atomique depuis des années.
Etc. etc.
Tout est faux dans ce déluge de propagande insane. Mais où sont donc passés les commentateurs, sinon neutres, au moins un peu distants?
Pour le moment, il est possible de faire quelques constatations sur ce nouveau conflit. Il devient de plus en plus évident que, Sharon ayant disparu, les médiocres vainqueurs des élections de mars 2006 sont phagocytés par l’armée. Le premier ministre Olmert et son ministre de la défense Peretz gesticulent aux premières loges, mais ce sont les généraux qui décident.
Avec cette intelligence propre à la caste militaire, imbus de leur puissance, ils ont cru pouvoir ouvrir un nouveau front au Liban en sus de la Cisjordanie, de Gaza et de la sécurité intérieure. Ils ne tiendront pas longtemps à ce rythme.
Leur justification représente le nec plus ultra de la pensée antiterroriste de ces dernières années, le conflit asymétrique. On écrase les mouches au bulldozer plutôt que d’une chiquenaude. Economiquement, le bulldozer rapporte plus que la chiquenaude, mais militairement il ne sert à rien.
Mais, dira-t-on, Poutine est ainsi parvenu à écrabouiller la résistance tchétchène. C’est vrai. Il a toutefois fallu une douzaine d’années à l’armée russe pour en arriver là, alors que le rapport de force lui était gigantesquement favorable (17 millions de km2 et 150 millions d’habitants pour réduire un pays plus petit que la Suisse romande avec ses 16000 km2 et son million d’habitants).
De plus, les généraux de Tsahal ne peuvent gonfler leurs biceps que parce que les Etats-Unis le leur permettent. Sans l’appui, les conseils et les dollars de Washington, ils seraient liquidés en moins de deux. Or rien n’est plus volage que le pragmatisme étasunien. Il faudrait évidemment pour s’en rendre compte réfléchir à long terme, ce qui n’a jamais été la spécialité des états-majors.
L’actuelle direction israélienne essaie de coller au plus près de la guerre du pétrole menée par les Américains dans la région. On pourrait croire que ces conflits sont étroitement liés parce que, depuis 1956, les Etats-Unis utilisent Israël comme leur cheval de Troie. Je ne le pense pas.
Le conflit judéo-arabe tel qu’il existe depuis la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 acceptant la création en Palestine d’un Foyer national juif a beau être d’une complexité extrême, il ne met finalement aux prises, en toute dernière analyse, que des intrus — les colons juifs, leurs descendants — et des résidents, les Palestiniens musulmans ou chrétiens. Ce sont eux qui devront, entre eux, trouver une fois un accord.
Les innombrables guerres du XXe ont amené les Palestiniens à accepter la réalité d’une présence étatique juive dans la région. Avant le déclenchement des opérations au Liban, le Hamas avait confirmé cette reconnaissance de l’Etat juif. Si les franges palestiniennes extrêmes en sont là, il faudra bien que les Israéliens raisonnables contraignent leurs propres extrémistes — les religieux, la droite d’Olmert et celle de Netanyahou, les racistes russophones — à tenir compte de la réalité.
Cela implique que les Israéliens opposés à la guerre, les désespérés qui se ferment les yeux et les oreilles et ne vont plus voter (presque 40% d’abstentions aux élections de mars dernier), les déçus de la gauche qui vouent aux gémonies les Peres et Peretz, se reprennent. On ne les entend plus, mais ils existent.
Quand s’exprimeront-ils?
