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La politique au ras du gazon

L’été politique suisse s’annonce placé sous le signe du petit bras: querelle d’alcoolique sur des chaussures, débat au panzer idéologique sur l’asile, et on en passe. Seule Suzette Sandoz suscite la surprise.

Des matchs nuls, vraiment nuls: on ne parle pas ici d’un Mondial en ébullition avancée mais de quelques petits affrontements politiques au ras du gazon qui marquent ce début d’été.

Le conseiller national jurassien Jean-Claude Rennwald, sur l’aile gauche, s’est par exemple indigné des 40 paires de chaussures exhibées dans les souks de la presse people par la toute nouvelle ministre de l’économie Doris Leuthard.

La réplique n’a pas tardé, emmenée par des femmes évidemment écoeurées: s’attaquer à la belle chaussure, c’est évidemment s’attaquer à un côté obscur mais profondément enraciné de l’éternel féminin. En tête de la horde, la virulente sondeuse Marie-Hélène Miauton qui renvoie le malotru Rennwald à son fétichisme à lui: celui des bonnes bouteilles, signe extérieur de richesse au moins aussi ostentatoire qu’une collection d’escarpins.

Là aussi il faut s’indigner: s’attaquer à la picole, fut-elle grand luxe, c’est s’attaquer à un côté obscur mais profondément enraciné d’une virilité qui se respecte et surtout sait se faire respecter. Résultat: cliché contre cliché, zéro-zéro.

Ensuite le match, ou plutôt le feuilleton, «Suisse contre Reste du monde». Les premiers manifestants contre les nouvelles lois sur l’asile sont descendus dans la rue.

Face au constat sans nuance des blochériens dénonçant des abus prétendument généralisés, ils rétorquent avec guère plus de subtilité en qualifiant les nouvelles dispositions d’«inhumaines» et en criant au fascisme rampant.

Là aussi, score vierge et surtout nul, avec accumulation de tirs mal cadrés décochés par des joueurs que les consignes idéologiques de leurs entraîneurs respectifs ont aveuglés.

Un éclair dans la grisaille quand même est venu d’où on ne l’attendait pas: Suzette Sandoz, oui, rappelez-vous cette ancienne parlementaire libérale très collet monté et d’un conservatisme outrageusement vieille France sur les question de société.

Eh bien Suzette Sandoz sort de sa retraite pour porter le fer là où ça fait mal et dénoncer, dans le Temps, un aspect délirant des lois Blocher: la possibilité pour les officiers d’Etat civil, ou «toute autorité compétente», de ne pas célébrer un mariage s’ils estiment qu’il s’agit d’une union de complaisance en vue d’obtenir un droit de séjour, ou même de l’annuler.

Sandoz-Zorro, tout de même prof de droit à l’université, dénonce le «risque de chasse aux sorcières» et le danger de «l’intrusion de la police dans les salles de mariages». Et de rappeler froidement que le mariage stricto sensu, c’est d’abord cela : «l’acquisition automatique de privilèges de droit public», et que de tout temps, «il a été utilisé par les uns et les autres pour se procurer des avantages de nature diverse».

Et de rappeler aussi que le pic des mariages de complaisance a eu lieu pendant la période 39-45, ce qui devrait faire réfléchir les chevaliers blancs désireux de contrôler la nature réelle des activités régnant dans les alcôves privées. Pire: Suzette Sandoz signale que la nouvelle législation prévoit de retirer au mari la paternité des enfants nés dans le cadre d’un mariage ensuite annulé pour complaisance: «L’enfant devient alors un enfant sans père. Une disposition aussi barbare, dont aucun parlementaire ne s’est soucié, ne peut entrer dans notre droit.»

Retour à hauteur des pâquerettes, en revanche, avec le catenaccio du Conseil fédéral dans l’affaire des chiens dangereux. Après avoir muselé le Conseil des Etats, les sept sages mettent en laisse cette fois le Conseil national en répétant l’impossibilité d’interdire au niveau fédéral certaines races de chiens, au motif que la législation qui s’applique dans ce cas n’est pas la loi sur la protection des personnes, mais celle sur la protection des animaux. Et qu’il serait donc contraire à la Constitution d’interdire les pitbulls en Suisse.

Molosses enragés contre enfants égorgés: l’affiche seule donne déjà la nausée.

Moins graves mais pas plus brillants, les arguments des opposants radicaux et UDC à la taxe sur le CO2 adoptée par le Conseil national dans une version pourtant soft, peu contraignante et largement vidée de sa substance: le CO2, disent-ils, étant un problème planétaire, ce n’est pas à la Suisse de montrer l’exemple.

A cet aune, la Suisse devrait également abandonner toute initiative en matière de prévention routière. Un problème en effet encore plus planétaire: 1,2 millions de morts en 2005 sur les belles routes du monde entier, statistiques officielles, l’équivalent d’une vingtaine de grosses catastrophes aériennes… par jour.

La palme du dribble politique le plus pataud revient pourtant à l’UDC Jean-François Rime dans le débat sur l’abaissement de l’âge pour le travail de nuit, qui passe à 18 ans: si un jeune passe ses nuits en boîte, il peut aussi bien les passer au travail.

Moralité? Pour des affrontements spectaculaires, courageux, colorés et généreux, il ne reste plus qu’à compter sur une fin de Mondial palpitante.