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Ségolène Royal et les illettrés

En à peine six mois de pré-campagne électorale, Ségolène Royal est non seulement parvenue à imposer sa présence dans la course à l’Elysée, mais elle a aussi pris une belle avance sur ses concurrents socialistes. On ne voit guère comment ils pourraient l’écarter de leur chemin ou la faire chuter en lui glissant la fatale peau de banane sous le brodequin.

Les sondages sont éloquents. Elle est de loin la mieux placée pour tenir tête à Nicolas Sarkozy, même si ce dernier garde toujours quelques points d’avance dans les sondages. C’est la gauche qui la plébiscite. Selon un sondage du quotidien Libération (06.06.06), près de «62 % des électeurs de gauche (et 68 % parmi les seuls sympathisants PS) la considèrent comme la meilleure candidate socialiste pour 2007. Elle largue ses concurrents à une distance minimale de 40 points! Strauss-Kahn, soutenu par 22 % des sympathisants de gauche, Lang (21 %), Fabius (12 %) ou encore Hollande (11 %) rivalisent de médiocrité».

Comme la dame est sympathique, on sent que l’opinion prend un malin plaisir à la voir distancer les pachydermes du parti socialiste condamnés à barrir dans le vide. Qui, aujourd’hui, à moins d’être un sectateur convaincu, sacrifierait une heure pour suivre un débat avec Strauss-Kahn ou Fabius? Ces vaillants survivants du mitterrandisme ont trois mois pour reprendre leurs fiches et préparer la rentrée.

Reviendront-ils en dénonçant la dérive droitière de leur camarade poitevine? Rien n’est moins sûr. Pour deux raisons. La première est que par les temps qui courent, il est médiatiquement (donc politiquement) suicidaire de se positionner contre l’idéologie sécuritaire.

A force de vendre du sang à la une, les médias ont généré une demande de gesticulation policière à laquelle il est difficile de résister. La seconde est que les socialistes français n’ont jamais été vraiment à gauche en la matière.

Sans remonter à Jules Moch, le fracasseur de grévistes, ou à Guy Mollet qui, en envoyant le contingent en Algérie, causa la perte de son pouvoir et de son parti, des hommes comme Charles Hernu ou Jean-Pierre Chevènement n’ont pas laissé le souvenir de doux utopistes.

Ecologistes et sauvageons s’en souviennent encore. La faiblesse sécuritaire de Jospin en 2002 fut plus une faiblesse dans le discours et la propagande que dans les faits. En réalité, il en va de la délinquance comme du chômage, que le pouvoir soit à gauche ou à droite, les statistiques restent catastrophiques.

Si Ségolène Royal fait mouche avec ses propositions sur les maisons de correction encadrées militairement, c’est parce que le commun des mortels n’attend pas dans sa bouche de tels propos (qui seraient d’une banalité affligeante dans celle de Sarkozy). La surprise est dans la forme, pas dans le fond. Un sondage de L’Express montre par exemple que 57% des socialistes estiment que les idées de Ségolène sur la sécurité sont de gauche, alors que 33% d’entre eux pensent qu’elles ne le sont pas vraiment.

Au-delà des polémiques électorales, la France a un vrai problème avec ses banlieues, un problème qui va au-delà de la question jeune. Libération a publié (08.06.06) les résultats inquiétants d’une enquête sur l’illettrisme, soit sur l’incapacité de lire et d’écrire.

Il y a en France 3,1 millions d’illettrés, soit 9 % de la population adulte. C’est énorme! En plus, il ne s’agit pas d’un handicap dû à l’immigration et à des origines culturelles diverses: ces illettrés ont été scolarisés en France, et les trois quarts d’entre eux parlaient exclusivement le français à la maison à l’âge de cinq ans.

Il s’agit donc de gens qui ont été scolarisés, qui ont su une fois lire et écrire plus ou moins bien et qui, par la suite, ont perdu ces acquis mal digérés. Cela signifie que la civilisation de la télévision étouffe les connaissances scolaires dès que le jeune quitte l’école et zone en attendant un emploi qui ne vient pas.

Ségolène Royal, qui fut il n’y a pas si longtemps ministre de l’enseignement scolaire, ne peut ignorer cet échec calamiteux du système d’éducation à la française, qui est le grand pourvoyeur de sauvageons, voyous et autres racailles. Elle doit savoir que ce ne sont ni les policiers, ni les CRS qui peuvent remédier aux carences d’une mauvaise instruction dispensée par une Education nationale hypercentralisée et inefficace.

Si elle n’avait pas une élection à gagner, c’est ce mammouth-là qu’elle devrait dynamiter, comme elle l’a fait avec ses frères, les éléphants du PS.