Six mois après l’interdiction de la cigarette, les passagers ont adopté de nouveaux réflexes. Certains fumeurs, par exemple, s’enferment dans les toilettes du train. Les CFF cherchent une solution.
A chaque fois qu’un train entre en gare, mes yeux cherchent machinalement le wagon non fumeur. Voici déjà six mois qu’ils le sont tous… Pas facile de se défaire de ses réflexes conditionnés.
Je ne suis pas la seule à dérailler de la sorte. De nombreux passagers m’ont confié qu’eux aussi, ils tardaient à intégrer la disparition des compartiments fumeurs.
A l’intérieur du train, par exemple, je ne peux m’empêcher de traquer une éventuelle odeur de fumée. Le nez relaye alors les yeux: «Suis-je dans un ancien wagon fumeurs?» Dans le doute, je passe au compartiment suivant.
Installée si possible à proximité de la porte, j’observe alors le spectacle. Une sorte de performance qui a débuté le 11 décembre dernier et qui se renouvelle sans cesse depuis avec des acteurs interchangeables. Son titre: «La dernière bouffée de cigarette.»
Agglutinés devant la porte, ils prolongent jusqu’à la dernière seconde le moment douloureux du sevrage. L’hiver dernier, même les degrés en dessous de zéro ne semblaient pas dissuasifs.
De nombreuses gares n’ont pas encore installé les cendriers promis, et la concentration de mégots sur les quais ou les voies permet d’être renseigné sur les différents emplacements des portes du train. A l’intérieur des wagons, les réactions des fumeurs sont diverses.
Frédéric se rend deux fois par semaine de Bienne à Genève. «Au début de l’interdiction, je descendais systématiquement à l’arrêt d’Yverdon pour tirer ne serait-ce que deux bouffées. Aujourd’hui, je tiens le coup sans trop de peine. Le train, c’est un peu un patch pour moi!», dit-il avec une certaine fierté.
Monique, une Neuchâteloise, est moins philosophe et n’a toujours pas compris le pourquoi d’une interdiction qu’elle n’arrive toujours pas à avaler. D’ailleurs, avant même l’arrivée en gare de Lausanne, elle sort une cigarette qu’elle triture nerveusement.
Comme de nombreux passagers, Frédéric et Monique adoptent de nouveaux comportements qui, avec le temps, se mueront en réflexes:
–Bien calculer le moment où l’on allume la dernière cigarette avant le départ du train pour ne pas avoir à monter à bord sans l’avoir terminée.
–Ne pas prolonger d’une seconde la fin de l’interdiction.
–Descendre du train, la sèche éteinte à la bouche et l’allumer dès le quai foulé.
Unanimes, les contrôleurs interrogés affirment que tout se passe étonnamment bien. L’interdiction de la cigarette a été bien acceptée*. Seules exceptions, les manifestations sportives (finale de la coupe de football ou match de hockey, par exemple). Des wagons entier sont alors pris d’assaut par des fumeurs éméchés que les contrôleurs laissent en paix.
Autre problème, les toilettes occupées quelques fois sans interruption entre deux arrêts par un fumeur. Les autres passagers doivent alors traverser plusieurs wagons avant de trouver des WC enfin libres. «On n’est pas dans un avion, on ne peut pas prétendre que la sécurité est en jeu. Mais nos têtes pensantes s’en occupent et vont trouver une solution», estime ce chef de train.
Une conférence de presse se tiendra le 6 juin sous l’égide de l’Union des transports publics suisses. Pour l’heure, les têtes pensantes ne semblent pas encore avoir trouvé de solution miracle au problème des WC. «La priorité est donnée à la transformation des véhicules: assainissement des wagons pour supprimer les odeurs tenaces et élimination des cendriers», indique Jacques Zulauff, porte-parole des CFF.
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*Dans les Chemins de fer jurassiens (CJ), on trouve des autocollants «La fumée est réservée à la locomotive à vapeur!»
