Genève, terre d’asile pour les rapaces, spécialement les faucons, surtout s’ils sont pèlerins et vivent en couple. C’est le président du gouvernement cantonal Pierre-François Unger qui est venu le dire haut et fort: pas touche à cette paire de volatiles revenus, comme l’an dernier, nicher sur les bords du Rhône à Cartigny. Périmètre bouclé, défense d’approcher, et de troubler le sommeil comme le rut du pèlerin et de sa pèlerine.
Même si l’an passé — rapace un jour, rapace toujours –, les deux tourtereaux, façon de parler, avaient abandonné le nid avant la naissance des oisillons. Cette fois pourtant, le gouvernement genevois et son président, qui n’en sont pas à une suée d’angoisse près, veulent croire à un heureux évènement: «Les oiseaux étaient très jeunes la première fois. Ils ont depuis emmagasiné de l´expérience, et les choses devraient mieux se passer.»
Le suspens reste entier, d’autant que les malfaisants qui viendraient à rompre la consigne et à chercher des crosses aux faucons ne risqueraient pas grand-chose, puisque les emplumés n’ont pas d’avocats. Madame et Monsieur auraient du mieux choisir les rives où dissimuler leurs amours. Celles de la Limmat par exemple.
Zurich est en effet le seul canton à posséder un avocat des animaux, on l’a appris par le lancement d’une initiative de la Protection suisse des mêmes animaux (PSA), demandant de généraliser la pratique à toute la Suisse.
Gadget grotesque d’une civilisation parvenue aux confins extrême de la sénilité, ricanera-t-on. Sauf que l’an dernier, l’avocat zurichois des animaux n’a pas chômé: 135 cas traités pour 80’000 francs de procédures. Un défenseur qui a surtout pour rôle de faire grimper sensiblement les amendes infligées aux auteurs de mauvais traitements envers nos frères inférieurs à poils, plumes, écailles ou carapaces.
Bête de plateaux, Lolita Morena est venu opportunément rappeler quelques cas d’épouvantable mansuétude: 300 francs pour l’abandon d’un chien sur un balcon sans eau ni nourriture, 900 balles pour 50 souris congelées vivantes. Ce qui ne met, il est vrai, l’assassinat de souris par congélation, qu’à 18 francs pièce.
La société suisse des vétérinaires en tout cas ne soutiendra pas l’initiative, au puissant motif, comme l’a rappelé son président, le conseiller national valaisan Christophe Darbellay, que «les animaux sont des animaux». Tout comme les ambitieux sont des opportunistes et les faucons des pèlerins.
Pas de quoi freiner une récolte de signatures qui devrait s’achever en juin 2007. Au moment où d’autres signatures rentrent, elles, au bercail: celles des référendums contre les nouvelles lois sur l’asile et sur les étrangers, la LAsi et la LEtr, dites, tout aussi élégamment, lex Blocher.
Les référendaires estiment, en gros, que si les nouvelles dispositions ne devraient pas permettre de congeler impunément 50 requérants d’asile déboutés, elles autoriseraient en revanche, avec la suppression du droit à l’aide sociale, à en abandonner quelques-uns, sur un balcon sans eau ni nourriture. A condition bien sûr qu’ils se trouvent un balcon.
Mais il semble y avoir, là aussi, pénurie d’avocats, puisque les principaux défenseurs du double référendum sont des retraités sortant de leurs tanières: l’ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss, l’ancien chancelier de la Confédération François Couchepin, ou le Tournesol du PDC, Jacques Neyrinck. Lequel fait d’ailleurs preuve de charité fort chrétienne envers ses anciens collègues de la droite parlementaire modérée, qui ont voté sans broncher la LAsi et la LEtr, à quelques exceptions près comme celles de Claude Ruey ou de Yves Guisan: les enfants de choeur n’auraient pas compris en fait ce qu’on leur demandait d’approuver. Après plusieurs semaines de débats?
Pour Guisan et Couchepin, le centre-droit se serait laissé plutôt «embarqué» et même «anesthésié» par l’UDC et l’aile droite du parti radical. Rien que de très normal en somme: l’aspiration profonde la blanche linotte n’est-elle pas de roucouler paisiblement, et bien anesthésiée, sous les ailes protectrices du gros faucon?