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Le défi des partis de centre droite

Depuis Lausanne jusqu’à Rome, en passant par Paris, les partis de centre droite doivent opérer bien davantage qu’un ravalement de façade pour convaincre les électeurs. Pas si simple.

La cuisante défaite électorale du centre droite aux élections communales vaudoises attire une fois de plus l’attention sur l’impasse dans laquelle trépigne et piaffe la droite traditionnelle.

A Lausanne, libéraux et radicaux (le PDC y est pratiquement inexistant) dont l’animosité réciproque remonte aux temps fondateurs de la Suisse moderne avaient décidé d’affronter ensemble les aléas du scrutin en soumettant à l’électeur une liste unique appelée LausannEnsemble. Mal leur en a pris: ils n’ont convaincu qu’un électeur sur quatre de la justesse de leur manœuvre, alors que le centre gauche parvenait à réunir les deux tiers de l’électorat.

Au-delà des péripéties locales, ce résultat est d’un intérêt national à la veille des législatives de l’an prochain. On sait que le centre droite est en crise dans toute la Suisse, quelle que soit la langue ou la religion des cantons concernés. Certains — dont je suis — pensent que son déclin ne pourrait être enrayé que par une recomposition remettant en cause l’existence de partis aussi historiques que les radicaux (héritiers des révolutionnaires de 1798 et 1848) et démocrates-chrétiens (héritiers des conservateurs catholiques de l’ancien régime).

A voir le résultat lausannois et quelques expériences menées chez nos voisins, la chose ne sera pas facile. En tout cas, pour ouvrir de réelles perspectives de renouvellement, elle ne saurait être bricolée comme un simple ravalement de façade ainsi que l’ont fait les Lausannois.

Mais même si l’on va plus en profondeur, les choses ne sont pas simples. Ainsi la France où le gaullisme et son coup d’Etat de mai 1958 ont balayé les partis de la droite traditionnelle.

On y a vu en un premier temps une vive résistance des libéraux grâce à l’ambition d’un homme, Valéry Giscard d’Estaing, qui sut dans les années soixante se démarquer du gaullisme en fondant le parti des républicains indépendants et qui, une fois élu à la présidence, parvint à maintenir l’autonomie de ce parti qui ne disparut qu’après le retrait de son fondateur.

Dans ce même centre droite français, on voit aujourd’hui que les seuls dissidents se retrouvent au sein de l’UDF. Parce que ce parti dispose en la personne de François Bayrou, d’un leader intelligent, malin et ambitieux. Mais aussi et surtout parce que ce parti inscrit son action dans le sillon creusé autrefois par la démocratie chrétienne ressuscitée après la guerre sous le nom de MRP.

En Italie ce n’est pas un coup d’Etat mais l’enquête judiciaire Mains propres qui sonna le glas des partis socialistes et démocrates-chrétiens hérités de la Résistance, les communistes étant balayés par la chute de l’URSS. La première République fut théoriquement remplacée par une seconde dont la vertu essentielle était de tenter une clarification politique en poussant à la formation de grands pôles de gauche et de droite par l’introduction du suffrage majoritaire.

Mais ce qui est bon chez les Anglo-saxons ne l’est pas forcément ailleurs.
Chassés par la grande porte de la justice, les partis sont revenus par les fenêtres. Consultant hier le dernier sondage disponible avant le vote du 9 avril, j’ai été surpris par le nombre de partis en compétition :

Prc 6% (+0,5); Pdci 2% (stable); Ulivo 32,5% (-0,3); Italia dei Valori 2,2% (+0,5); Verdi 2,5% (-0,1); Rosa nel Pugno 3% (-0,3); Socialisti di Craxi 0,5% (stable); Udeur, 1,3% (stable); altri (Svp, Consumatori et divers) 2% (-0,5); Udc 5,3% (-0,2%); An 12% (+0,5); Forza Italia 21,5% (-0,5); Lega 4% (stable); Nuovo Psi-Dc 1,5% (+0,2); Alternativa Sociale 1% (+0,5); altri (Rauti et divers) 2,4% (-0,3). Indécis: 14%.

Cela fait plus de 17 partis!

Les partisans de Prodi arrivent à 52 %, ceux de Berlusconi à 47,7%. Mais les indécis sont encore très nombreux et les jeux loin d’être faits, d’autant plus que les sondages italiens réservent souvent de grandes surprises. De toute manière, une conclusion s’impose, quel que soit le vainqueur: la clarification voulue par le scrutin majoritaire ne s’est pas faite et les Italiens restent très attachés aux partis traditionnels ou à leurs simulacres.

Rapportée à la Suisse où l’appartenance partisane est aussi très forte, cela signifie que le centre droite doit certes se recomposer, mais pas nécessairement par une embrassade générale suivie d’une disparition des anciens partis. C’est plutôt à de solides plates-formes électorales que doivent penser les états-majors, des plates-formes résumant quelques idées fortes et rassembleuses, mais laissant à chacun un peu de jeu dans le choix de ses candidats les thèmes secondaires.