Plusieurs dizaines de prix et trophées récompensent chaque année les entrepreneurs suisses les plus méritants, que ce soit pour leur esprit d’innovation, leurs initiatives en faveur de l’environnement ou encore leur succès commercial. Ces distinctions, qui peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers de francs, sont octroyées par des organismes qui souhaitent stimuler la créativité économique du pays.
Fondatrice de Rezonance.ch, Geneviève Morand souhaite elle aussi encourager la créativité des entrepreneurs. Mais plutôt que d’ajouter un prix supplémentaire à la déjà longue galerie de trophées, elle a préféré les réunir et les mettre en réseau.
C’est ainsi qu’est né le projet SwiTi (Swiss Talents for Innovation) qui présente chaque année dans un livre l’ensemble des lauréats des différents prix à l’innovation, et qui réunit les entrepreneurs à l’occasion d’un grand gala de «réseautage» dans la capitale fédérale. Cent seize entreprises figurent dans cette édition 2006.
L’idée qui sous-tend SwiTi est simple: la richesse d’un pays ne se mesure pas seulement à son pouvoir financier et à son économie du savoir. Elle dépend aussi de sa capacité à faire circuler l’information, à l’intérieur et vers l’extérieur. D’où l’importance des réseaux et de l’échange d’expériences, qui contribuent à la créativité entrepreneuriale et, partant, à la croissance.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la création d’entreprise est bien ancrée dans la tradition du pays. Près de 10% des Suisses sont des entrepreneurs. En Europe, seule la Grèce fait mieux.
Plus étonnant encore: près de 6% des Suisses adultes (entre 18 et 64 ans) ont participé à la création d’une nouvelle société au cours des derniers trois ans et demi. Là aussi, le pays est au-dessus de la moyenne européenne. C’est ce qu’indique le rapport 2005 du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) portant sur 35 pays.
Ces bons résultats s’expliquent notamment par les nombreuses aides accordées aux nouveaux entrepreneurs. Les programmes fédéraux de soutien à la technologie offrent une aide financière, un coaching managérial ou des cours spécialisés. Il existe en outre diverses aides cantonales, et des institutions comme l’EPFL fournissent des prêts aux jeunes start-up innovantes.
La concentration d’industries à forte valeur ajoutée, horlogère ou pharmaceutique, et les transferts de technologie qui en résultent favorisent également l’innovation en Suisse. Autre explication: «Le fort niveau de compétence technique que l’on trouve dans les hautes écoles suisses, au prorata de la population, est une source d’innovation», selon Jean-Marc Wismer, coach CTI à l’EPFL.
Haiko Bergmann, de l’Institut suisse pour les PME à l’Université de Saint-Gall, qui a dirigé l’enquête GEM au niveau suisse, relève en outre «le niveau de vie élevé dans le pays, propice à la création de sociétés qui durent». Ce qui explique que la proportion de nouvelles entreprises dépassant le cap des trois ans et demi soit plus élevée en Suisse que dans la majorité des pays européens. Les sociétés basées en Suisse disent profiter aussi de l’image du pays: qualité, sécurité, précision et neutralité helvétique sont de bons arguments de vente.
Mais tout n’est pas rose. La Suisse reste à la traîne en matière de charges administratives notamment. «Les PME sont soumises à une régulation trop tatillonne sur la TVA ou pour les permis de construire», dit Haiko Bergmann.
«La situation en Suisse est incroyablement compliquée, comparée à la Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis», poursuit Jean-Marc Wismer, de l’EPFL. Le secrétariat d’Etat à l’Economie (seco) a élaboré un catalogue de mesures pour réduire cette charge. Mais le nouveau certificat de salaire, qui devrait entrer en vigueur à la fin 2006, va à l’encontre de cette volonté de simplification, estiment la plupart des acteurs de la vie économique. Autre frein à l’innovation: l’ouverture du marché, qui reste très en deçà des autres pays.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 2 mars 2006.