L’entreprise Echovox a doublé son effectif et son chiffre d’affaires en un an. Son fondateur, David Marcus, a du mal à recruter des cadres en Suisse.
Qualité de vie, ski, soleil, lac, fiscalité, position centrale en Europe… Les médias rappellent souvent tous les avantages qu’ont les entreprises à s’implanter en Suisse. Le «serial entrepreneur» genevois David Marcus reconnaît volontiers les qualités de sa région, qu’il apprécie, mais depuis que son entreprise, Echovox, connaît une crise de croissance, il en voit surtout les inconvénients.
«En Suisse, il y a une pénurie de managers expérimentés, capables de déployer nos solutions sur de nouveaux marchés depuis Genève, et nous avons un mal fou à recruter car le bassin de population est trop petit, dit-il. C’est aussi relativement difficile avec les informaticiens, mais pour des raisons plus culturelles: en Suisse, on préfère travailler dans une grande entreprise comme Kudelski ou Logitech plutôt que dans une jeune start-up. C’est le contraire des Etats-Unis ou du Royaume-Uni où les jeunes privilégient les petites structures. En Suisse, on pense que la grande entreprise offre une plus grande sécurité d’emploi, et un environnement plus confortable, ce qui est souvent faux puisqu’elle restructure tout autant, en particulier dans notre secteur.»
Une partie du développement informatique d’Echovox s’effectue en Ukraine, où une dizaine d’informaticiens «motivés et compétents» ont été engagés.
Si Echovox mondialise son approche des affaires, c’est que la plupart de ses clients sont en dehors de Suisse. Avant les autres, David Marcus a flairé l’essor des services et de la distribution de contenus sur les téléphones mobiles, en commençant par le SMS. A l’origine du succès d’Echovox, on trouve notamment la technologie qui permet à un média de proposer un seul numéro pour l’envoi de SMS surtaxés (par exemple pour un jeu ou une émission de télé-réalité), et un unique modèle de facturation pour l’ensemble de son auditoire, même international.
«Notre avantage, c’est que le mobile reste une chose compliquée, sourit David Marcus. Les opérateurs utilisent des technologies différentes, des systèmes de facturation propres. En plus, les usagers peuvent choisir parmi des dizaines de modèles de téléphone. Du coup, pour que cela reste simple, il faut mettre en place des passerelles entre les technologies.»
Parmi ses clients francophones, on trouve la chaîne M6 pour laquelle Echovox a mis au point le système de vote par SMS pour l’émission Nouvelle Star ainsi que des téléchargements de sonneries et de jeux. En fonction du volume de trafic généré par le média, la commission d’Echovox sur la surtaxe du SMS se négocie entre 25% et 50%.
Mais le plus intéressant, économiquement, reste la taxe sur la réception d’informations ou «reverse charge», qui s’applique quand un usager s’abonne pour recevoir chaque jour un bulletin météo, un horoscope, ou une nouvelle sonnerie chaque semaine, par exemple. Le revenu devient alors récurrent car chaque réception est surtaxée. Avec M6, Echovox a franchi une nouvelle étape: «Depuis peu, nous fabriquons nous-même les spots de pub qui encouragent les téléspectateurs à s’abonner à un service d’horoscope ou autre.»
Pour développer son emprise sur le secteur, Echovox s’est donc intéressée non seulement à la technologie, mais aussi au contenu à proposer aux usagers, et à sa commercialisation. Depuis l’an dernier, une grande partie de l’énergie a donc été consacrée à la négociation avec les majors pour distribuer de nouveaux contenus: des sonneries, des vidéos, des jeux, etc.
C’est le sens de la plate-forme M-boost, qui permet à n’importe quel client (grand ou petit) de proposer en un tournemain des services sur mobiles. M-boost contient 17’000 sonneries (200 nouvelles chaque semaine), 8’000 logos et 300 jeux. En fonction de son positionnement et de sa localisation géographique, le média (télé, radio, web) sélectionne parmi cette offre.
«Par exemple, un site qui répertorie les paroles des chansons d’un groupe peut utiliser notre système pour proposer de télécharger la musique comme sonnerie de mobile, explique David Marcus. L’animateur du site sélectionne les chansons qu’il veut proposer, et encaisse une commission pour chaque transaction.»
Selon le bureau d’analyste Jupiter Research, l’achat de contenu sur les mobiles connaîtra une croissance fulgurante dans les années à venir: de 3 à 4 milliards d’euros actuellement, il atteindra 10 milliards d’ici à 2010. «Actuellement, on estime que le téléchargement de sonneries représente 70% de ce marché, détaille David Marcus. Cette part deviendra rapidement minoritaire, au profit de la vidéo.»
Cela ne signifie pas seulement le téléchargement de clips vidéo, mais aussi l’envoi. Car Echovox anticipe l’arrivée de blogs vidéo et d’autres plates-formes qui permettront l’échange de petits films entre usagers mobiles.
«Actuellement, le handicap pour l’essor de ces services vient du prix trop élevé de la transmission des données sur les mobiles. Les opérateurs continuent d’avoir une approche protectionniste, c’est-à-dire qu’ils facturent une vidéo téléchargée sur leur portail différemment qu’ailleurs. C’est le cas du système Vodaphone Live de Swisscom, par exemple. Si une chanson ou une vidéo est vendue 3 francs sur un autre portail, mais que l’opérateur charge 15 francs pour l’acheminer vers le client, comme c’est le cas avec certains abonnements en Europe, cela freine logiquement le marché. Les opérateurs réaliseront cependant que l’ouverture est à leur avantage.»
David Marcus anticipe que la vente de contenu audio et vidéo, initiée en 2005, représentera déjà la majorité des revenus d’Echovox en 2006. L’adaptation du modèle économique s’est donc opérée très rapidement. Elle a été possible grâce à la levée de 6,5 millions de francs auprès de Newbury Ventures, une société de capital-risque américaine.
Le chiffre d’affaires n’est pas communiqué, mais «il suit la même courbe que les effectifs», assure le fondateur d’Echovox. Le personnel de l’entreprise a doublé en un an, pour dépasser les 30 personnes aujourd’hui. Et il augmentera encore cette année, dans d’autres pays européens où l’entreprise se développe, mais aussi à Genève, où resteront la majorité des emplois… Pour autant que David Marcus y trouve suffisamment de personnel qualifié.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 23 février 2006.
