Alors que la candidate reste en tête des sondages, les réactions chez les ténors du PS montrent, une fois de plus, à quel point ce parti est ancré dans le passé.
Elle est non seulement fermement installée en tête des sondages, mais elle se paie en plus le luxe de déconfire ses adversaires potentiels dans tous les cas de figure. Sarkozy, de justesse, à 51% au deuxième tour. Mais battu quand même!
Dire que les prouesses de Madame Royal, après avoir titillé, commencent à irriter sérieusement le petit monde des prétendants à l’Elysée est un euphémisme. D’ailleurs, Bernard Kouchner, qui sait ce que popularité veut dire, dénonçait en début de semaine «l’expression virile des impatiences» et «la danse du scalp des machos autour de Ségolène Royal».
Dans une fine analyse du phénomène Royal, Sylvie Kaufmann notait dans Le Monde (03.02.06):
«Une femme n’existe en politique [sous-entendu: en France] que par l’homme qu’elle sert. Ségolène Royal a enfreint cette règle et l’a payé. Les sarcasmes de ses collègues masculins à l’annonce de l’éventualité de sa candidature, à l’automne, montrent à quel point l’idée était sacrilège. Lorsque les études d’opinion ont appuyé cette candidature, tant au PS qu’au sein de l’électorat, on a dénoncé une « opération médiatique » conduite par Le Nouvel Observateur qui l’avait mise en couverture. Puis est venue la question fatale: «Est-elle compétente?» La question se poserait-elle pour un homme énarque qui, après avoir servi cinq ans à l’Elysée, aurait à son actif vingt ans de mandats électifs et de travail de terrain et trois ministère?»
La réponse à cette dernière question est si évidente qu’elle nous met une fois de plus face aux contradictions de la société française, ou même de la France tout court, patrie des droits de l’homme. De l’homme, pas de la femme!
A ce point, il est inévitable de saluer le (vilain) néologisme épicène, les droits humains, qui vient à tout bout de champ rappeler que, oui, la femme est l’avenir de l’homme et que Madame Royal, quoiqu’en aient pensé les Fabius, Lang, Jospin et autres Strauss-Kahn, est bien l’avenir de la France.
D’ailleurs, à propos de DSK, il n’est que de le voir assis sur une estrade aux côtés d’Anne Sinclair, sa compagne, pour mesurer à quel point cet homme prétendument de gauche fait vieille France. Et elle, classique et souriant faire valoir.
Je disais «une fois de plus face aux contradictions de la société française». Une fois de plus parce que si l’on considère la vulgarité des polémiques suscitées par le succès de Ségolène chez des gens de gauche venus à la politique dans le sillage de Mai 68, on ressent aussitôt une impression de déjà vu.
C’était, souvenez-vous, il y a peu, à l’occasion du référendum sur la constitution européenne. Les partisans socialistes du oui avaient une manière si retenue de parler de l’Europe que l’on se demandait à juste titre si ce vieux continent était bien le leur. Ils étaient certes pro-européens, ils se réclamaient même du traité fondateur de 1957, mais tout dans leur comportement dénotait avant tout leur nationalisme viscéral, leur francitude profonde et indépassable. Comme aujourd’hui, leur machisme.
C’est, je crois, Arnaud Montebourg qui, après s’être fait étrillé au dernier congrès socialiste, parlait du retour à la SFIO de Guy Mollet. Au socialisme des cavernes en quelque sorte. Il n’a pas tort. Le parti socialiste français porte (comme les démocrates de gauche en Italie) les oripeaux d’un monde révolu et n’arrive pas à définir ne serait-ce que les objectifs de demain après-midi.
Ségolène Royal n’a de socialiste que sa volonté de pouvoir. Pour le reste, comme les girouettes (mais avec un port altier), elle obéira aux vents dominants tout en repeignant la façade un peu décatie de la Ve République. En préparant le pays à l’accession au pouvoir de la génération des angoissés hyperspeedés de la mondialisation. Ce ne serait pas rien.
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Gérard Delaloye, chroniqueur glocal de Largeur.com, vient de publier le livre «La Suisse à contre-poil», aux éditions Antipodes.
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