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Petite promenade gastronomique en Suisse romande

L’Hôtel de Ville de Fribourg

Frédérik Kondratowicz a vite mis en chantier son site internet, l’a paré de quelques mots-clés (épanouissement, générosité, goût, tout un programme), puis il est retourné dare-dare à sa cuisine.

Parce que, depuis le 3 mai, date d’ouverture de l’Hôtel-de-Ville, ex-Union, son café-resto popu, même un peu plus, ne désemplit pas. FK peut miser sur son nom, car on se souvient encore de lui, du temps où il enchantait la belle clientèle du Zaehringen, l’adresse chicosse dominant le quartier de l’Auge, quelques centaines de mètres plus bas. C’était hier.

Dans l’ancien repaire de Corpatôôôô, peintre-charcutier, on change de registre. Le patron court et resplendit, le personnel de salle tergiverse et sourit, de l’étroit et vertigineux balcon suspendu au-dessus du vide, on savoure et le paysage et les frasques délicieuses d’un cuisinier en pleine effervescence. Une belle aventure commence.

Il avait dit pouce, mollo, on va faire bistro, enfin, un peu mieux. Certains l’ont cru. Mais lui? Il a fait fourmi. Contrairement à la cigale de la fable, il a dansé tout l’été et se trouve repourvu quand l’hiver est revenu. Son imagination, sa ferveur créatrice, sa curiosité débridée ont pris le dessus. Il s’est remis à lancer des plats décalés, à plonger dans les essais les plus barbares pour en tirer des compositions plus assorties qu’on aurait pu le croire de prime abord, il a laissé parler sa fougue et son enthousiasme, et les mots, bien sûr, qu’il associe aux mets avec la décomplexion d’un analphabète, ce qu’il n’est surtout pas. Il en jongle avec une virtuosité et une jubilation évidentes.

On retient son souffle. Car le bonhomme ne manque pas d’un certain toupet à servir dans le même souffle et la même tranche horaire ses plats du jour à envoyer vite-fait, et une petite sélection de compositions plutôt décoiffantes.

Voilà quatre St-Jacques brûlantes, restées translucides, et juste à côté, ou alors dessous, un tartare de bettes bien relevé, enlevé, muscadé, enrichi de fins dés de poivrons et autres, finalement emballé dans le vert du même légume; voici des filets de rouget, échalotes et ciboulette enturbannés comme on le fait de la sole, avec leur flan de persil, une botte d’asperges sauvages, un trait d’orange et du pourpier en saladine, on en prend plein les mirettes; enfin un généreux gratin de fraises pour la gourmandise.

L’automne a remis en soupière «l’incontournable» soupe de poissons safranée, mais aussi, «tout simplement» le jambon de sanglier avec un peu d’huile d’olive et du pain de seigle, il apprête «en meunière de maïs torréfié» le ris de veau et relève de «graines torréfiées» salades et légumes du marché pour une envolée végétale naturellement pas comme les autres. La curiosité l’emporte. Pour la satisfaire sans fusiller ses clients, cet ancien étudiant en restauration d’art a concocté un menu joliment baptisé la «Petite dégustation du soir…» On se sent d’emblée tout léger.

La ville de Fribourg renforce sa deuxième place au palmarès des cités romandes et gourmandes.

Hotel-de-Ville
6, Grand-Rue, Fribourg.
Tél. 026 321 23 67.
www.restaurant-hotel-de-ville.ch.
Fermé dimanche et lundi.

Menus midi: 19/25 francs;
Menus soir: 59 francs
Pulpe de courge, fleurette parfumée à la truffe blanche et copeaux de vieux parmesan: 9,50 francs
Carpaccio de filet de biche à l’huile de cèpes, croquant de légumes: 18 francs
Jambon de sanglier, huile d’olive, pain de seigle: 17 francs
Soupe de poissons safranée: 16 francs
Choucroute douce de féra et d’omble chevalier à la lie de vin et croquant de lard: 32 francs
Raviolis frais au citron, chou vert prafumé à l’ail rôti: 26 francs

Le Botza, à Vétroz

Depuis le temps qu’il zonait dans les parages, Christophe Roch a de nouveau pris pension à Vétroz. Entre ZI et ZA, on zigzague pour dénicher son Botza, mais on finit toujours par le trouver. Au nez.

Disons-le une fois pour toutes et n’y revenons plus: il existe des lieux plus pimpants. Mais on risque d’y manger moins bien. Ah! C’est pour cette raison que les gourmands y reviennent. A midi pour un plat du jour qui casse les prix et la baraque, le soir pour un menu qui en fait tout autant, voire davantage.

Christophe Roch a le geste large, la générosité raffinée, le flair pour les bons mariages, le goût des mets simples, le sens des assaisonnements justes et celui des cuissons exactes. Plus un bien joli bagage professionnel.

Il en profite pour déposer, hop, une bouchée de filet de sandre (du Léman) sur une pelote de tagliatelle au pesto rouge et jambon cru et le ton est donné. On va se régaler.

Avec un marbré de cigale tonique, enserré dans une lanière de jambon et blotti dans une gelée de tomates aux petites herbes; avec de l’agneau indigène (museau noir) tendre et juteux sous sa croûte d’herbes et de moutarde en grains; avec une pantagruélique assiette de rognons de veau bien rosés, avec une escadrille de satellites: fines quenelles de pommes de terre (spécialité très alémanique), rondelles de colrave safrané, feuilles d’épinards alanguies sur des pommes darphin.

La cave est belle, l’amigne alentour également.

Christophe Roch
1963 Vétroz
Tél. 027 346 13 01.
www.lebotza.ch.
Fermé dimanche et lundi.

Assiette midi: 15 francs
Menu midi: 55 francs
Menus soir: 64/76 francs
Tourte de foie gras de canard aux rebibes de chocolat noir: 26 francs
Truite de la Morge aux choux braisés et au lard: 28 frs
Rognons de veau: 22/32 francs
Tarte tatin aux poires Williams: 10 francs

Pinte de Veytaux

Sébastien Schornoz et sa femme, Francine, font certainement tout juste en le proclamant bien haut: la Pinte de Veytaux, annoncent-ils, propose une «cuisine gastronomique du terroir». Gonflé. C’est, en effet, le mariage rigolo de deux termes autrefois antagonistes, jusqu’au jour où les grands chefs ont adopté queue de bœuf, cochonnailles et rutabagas. Les jeunes proprios proche-montreusiens, en revanche, font la démarche inverse: ils ont proscrit la langoustine, le caviar, la truffe et le homard. Trop chers.

Le cuisinier possède quelques solides références dont la dernière, la plus connue, Etienne Krebs, de L’Ermitage, à Clarens. La maison, elle, est restée portes closes pendant de nombreuses années. Mais elle avait connu son heure de gloire à la fin des années septante quand Gérard Rabaey y avait posé les bases de sa réputation. Ensuite, il a mis le gros braquet pour monter à Brent.

Drôle de repaire, il y a plein de coins et de recoins, de la pierre et de la poutre, des demi-étages et de curieuses échappées. Les patrons ont commencé par retaper ce labyrinthe un rien délabré avant d’aller plus avant. Ils ont aussi un bout de terrasse en patio, propice à la méditation, mais non à la contemplation. La vue est bouchée par un pan de mur. On va peut-être corriger ce handicap en le bousculant un peu. Avec eux, au service, à la cave (très locale), à l’accueil, Bruno Prigent, un ancien, lui aussi, de L’Ermitage à Clarens.

Alors, cette cuisine antagoniste? On y vient. Elle se montre facétieuse quand, pour escorter des côtelettes d’agneau, elle prend la forme d’un long bonbon de pâte à brik enserrant une coquine ratatouille, avec des pommes de terre grenaille et des bouts de lard enfilés sur une brochette; elle est naturelle sous forme de fricassée de chanterelles croquantes et goûteuses; elle vire méditerranéenne quand le filet de rascasse poêlé repose sur un lit de couscous relevé d’une émulsion de basilic vert; elle devient carrément charcutière avec une vivace persillade de lapin au foie gras et raisins, une petite salade à l’huile de noix en renfort. Le tatin de chèvre, lui, a déjà acquis en trois-quatre ans le statut d’incontournable.

On rigole aussi avec les desserts, pêche à la menthe toute de fraîcheur ou chaud-froid superposé de rhubarbe, de fraises et mousse cannelle, voire crème brûlée au toblerone en passe de rejoindre le chèvre au Panthéon des (déjà) classiques de la Pinte. L’endroit n’est peut-être pas facile à dénicher, il se cache en plein Veytaux. D’en bas, il suffit de viser le pilier de l’autoroute situé sous la sortie est du tunnel de Glion. Sinon, GPS.

Francine et Sébastien Schornoz, 11, rue Bonivard, 1820 Veytaux. Tél. 021 963 31 51. www.lapinte.ch. Fermé dimanche et lundi.
Plat/menu du jour: 16.50/40 frs;
Menus: 65/75 frs.
Tatin de chèvre aux endives caramélisées: 18 frs
Persillade de lapin au foie gras et aux raisins
Filet d’omble chevalier au confit de chou rouge: 22 frs
Filet de sandre en croûte de coquillages, confiture d’oignons: 20/34 frs
Mignons de chevreuil Grand Veneur, garniture chasseur: 34 frs
Saltimbocca d’agneau: 34 frs;
Stilton et poire aux épices: 12 frs;
Flan de pain perdu, glace à la raisinée: 12 frs.

Brasserie du Cardinal

Le Cardinal, brasserie prise en ciseaux entre la rue du Seyon et la rue des Moulins, au pied du Château gouvernemental de la République neuchâteloise, dissimulait de forts beaux atours, des carrelages de la fin du XIXe aux couleurs vert d’eau Art Nouveau et aux motifs en relief.

Ils avaient disparus sous des affiches et des graffitis. Mais à la fin des années nonante, ils ont été mis au jour et en évidence par le nouveau-venu d’alors, Philippe Girardier, frère jumeau de Francine, du Buffet d’un Tram, à Cortaillod. Ils (les carreaux, pas les jumeaux) se trouvent maintenant sous l’aile protectrice de la Confédération.

Depuis la réouverture en 1997 du Cardinal (le Cardoche pour les intimes), on peut s’y régaler du mardi au samedi soir d’un plateau de fruits de mer qui n’a rien à envier à son modèle parisien, la brasserie Flo. Il y a le petit et le grand, et plein d’huîtres, de praires, de crevettes, de coques, de bulots et de bigorneaux (plus un oursin et une langoustine dans la version riche).

Dans le même esprit, la maison mijote d’exubérantes choucroutes, alsacienne traditionnelle et poissons, un parmentier d’agneau au roquefort tout en finesse, la fondue aux quatre fromages, de véritables tripes à la neuchâteloise et sa version lyonnaise, le tablier de sapeur, plus quelques viandes costauds. Au printemps 2005, le chef Jean-Luc Geyer a repris seul les rênes. On lui doit un tout nouveau banc d’écailler et quelques offres moins bistrotières. Il y tient. Joli choix de vins.

Jean-Luc Geyer
9, rue du Seyon
2000 Neuchâtel
Tél. 032 725 12 86
www.lecardinal-brasserie.ch.
Fermé dimanche.

Assiette de midi: 16.50 francs
Menu (p.ex. trois petits mille-feuilles épatants): 38 francs
Bouillon de châtaignes grillées à la réglisse: 8 francs
Fondue: 20 frs
Laurière de sardines aux pommes de terre: 13 francs
Tablier de sapeur: 26 francs
Joues de sanglier: 30 francs
Assiette végé: 22 francs