En quelques saisons, Phoebe Philo a transformé la marque Chloé en numéro gagnant de l’industrie du luxe. Une dégaine super-chic, super-chère et super-féminine qui fait rêver les célébrités.
Assistante de Stella McCartney avant d’être nommée du jour au lendemain responsable de la marque Chloé, Phoebe Philo est totalement inconnue lorsqu’elle reprend la direction artistique de cette institution parisienne en 2001. Aujourd’hui Chloé s’inscrit parmi des marques de luxe qui connaissent la plus forte progression en terme de chiffre d’affaire, avec un look inimitable et archi-copié.
En quelques collections Phoebe Philo a su imposer une féminité cool qui ne ressemble à rien de connu et dans laquelle des milliers de femmes se reconnaissent. Elle a réinventé le sexy, loin des effets tape à l’oeil. Sa collection d’été 2005, flottant sur le corps des mannequins, a introduit de nouvelles proportions dans la mode. Parmi les pièces culte, la robe de satin vert d’eau retenue par un lien de strass a été vue sur les plus jolies femmes de la planète, de Cannes à Los Angeles.
Quel est le secret de la réussite Chloé? Que l’on parle de romantisme ou de féminité, on est toujours légèrement à côté de la plaque. Phoebe Philo maîtrise à la perfection ce nouveau langage de la mode où une nonchalance anglo-saxonne a infusé les codes rigides de la haute couture sans les rejeter.
Elle fait partie de cette nouvelle génération de designers, nés à Londres ou New York, qui ont entièrement renouvelé la perception psychorigide du chic parisien. Le point fort de son dialogue avec les clientes est d’avoir su créer un lien de confiance. Phoebe Philo ne passe pas abruptement du style pom-pom girl au gothique noir comme on change de t-shirt. Chaque collection se construit sur la précédente et s’enrichit de tout ce qui fait l’air de la rue.
Le deuxième point fort de Phoebe Philo est d’avoir su développer d’instinct une ligne de maroquinerie d’une insolente vitalité commerciale. A chaque défilé, Chloé sort un sac qui devient le signe de reconnaissance de la saison.
Sur le site de vente par internet Net-à-Porter, ces accessoires «magiques» se retrouvent inscrit sur des listes d’attente qui dépassent les 5000 noms. Cet hiver le «Paddington», avec son gros cadenas de laiton, n’a pas failli à la règle.
A Londres, la boutique Chloé a été contrainte de convoquer la police pour assurer la sécurité des livraisons. Les célébrités font bien sûr partie du cahier des charges de la marque et Nicole Kidman, Sofia Coppola ou Kirsten Dunst ne peuvent plus vivre sans elle.
Avec un chiffre d’affaire de plus de 200 millions de dollars, Chloé annonçait récemment une augmentation des ventes de 40% pour l’année 2005. La marque, qui appartient au groupe Richemont, numéro deux mondial du luxe, établi à Genève, projette l’ouverture de 30 magasins d’ici 2009.
Ce climat d’euphorie donne désormais à Phoebe Philo un droit de regard sur l’identité visuelle des publicités dont le budget à été augmenté en «dizaines» de millions. Chloé fait aussi partie des pionniers en matière de vente en ligne et www.chloe.com abrite une boutique virtuelle où tout est disponible.
En 2004, Phoebe Philo, qui remportait le titre de British Designer of the Year (après Galliano et Alexander McQueen), garde néanmoins les idées claires. Étudiante à la Saint Martins School de Londres, où elle se lie d’amitié avec Stella McCartney, elle se souvient d’avoir eu des moments difficiles.
Elle n’est pas considérée comme assez conceptuelle selon les critères en vigueur et reconnaît s’être concentrée plus souvent sur le pantalon qui fait une chute de rein d’enfer que sur la représentation de l’holocauste. Ses critères en ont conservé un certain pragmatisme: «Faire simple et éviter de se prendre la tête.»
Cette nonchalance n’est pas uniquement de façade. Phoebe Philo est certainement la première designer de mode à avoir pris trois mois de congé maternité au moment des collections. Elle assistait au défilé Chloé de l’hiver 2005 depuis le premier rang, laissant à son équipe d’assistants le soin de venir saluer le public. Cette pause en plein démarrage de carrière s’est imposée naturellement. Mariée au marchand d’art Max Wigram, Phoebe Philo, avec leur fille Maya, semble placer les valeurs familiales à égalité avec le succès.
Mais dans l’univers de la mode, l’émotion est de courte durée et si l’industrie du luxe a retenu sa respiration pour une saison, tout le monde attendait la suite. La conclusion ne s’est pas fait attendre.
Lors des collections d’été 2006 présentées début octobre, Chloé proposait les robes chemises amidonnées au dessus du genou, accompagnées de chaussures à semelles de bois, nouées à la cheville. Le sac de la saison ressemblait à un truc des puces un peu déformé.
Les robes, les chaussures et les sacs ont mis la presse à genou.
Les clientes, elles, sont déjà en manque.
