Les Genevois s’enthousiasment pour la pipe à eau. Même les non fumeurs apprécient cette manière de dilater le temps.
Il suffit de se balader le long de la rue des Pâquis pour s’en apercevoir: les Genevois sont de plus en plus nombreux à partager un narguilé entre amis sur une terrasse lorsque la nuit tombe. Des effluves de pomme envahissent les rues et donnent à la ville des allures de capitale orientale. Cet engouement n’est pas limité aux lieux publics. «Quand j’ai commencé à importer des narguilés il y a quelques années, je n’en vendais pas plus d’une dizaine par an. Maintenant, j’en écoule environ 300», raconte Malek El-Khoury, gérant du magasin Lyzamir dans le quartier de Saint-Gervais. D’autres commerçants commencent à exploiter le filon. Même la boucherie Chark vend 2 à 3 de ces pipes à eau chaque semaine.
Le principe du narguilé – appelé shîsha en Egypte – repose sur un morceau de charbon ardent et un mélange de tabac et de mélasse parfumé à la pomme, à la menthe, ou encore la rose. La fumée est aspirée dans la cheminée, filtrée par l’eau et traverse le tuyau souple pour finir dans la bouche du fumeur. Un narguilé se consomme en une heure environ et se partage à plusieurs, ce qui en fait un instrument unique de convivialité et de détente. «Le but n’est pas de fumer pour satisfaire une dépendance ou calmer une anxiété, comme avec la cigarette, mais de prendre le temps de se parler et de s’écouter», observe Kamel Chaouachi, auteur de référence sur le narguilé.
D’apparence inoffensive, la pipe à eau produit bien plus qu’une simple fumée blanche: le bain à eau agit comme un filtre mais ne retient ni la nicotine, ni les émissions toxiques. Son goût sucré et sa prétendue légèreté sont trompeurs. Hayat, 20 ans, qui aime partager la shîsha sur les terrasses genevoises, en est bien consciente: «Un charbon équivaut à 50 cigarettes!».
Selon Malek El-Khoury, l’engouement pour le narguilé peut être attribué à une certaine «mode orientale». Les touristes découvrent cette coutume lors de leurs voyages au Moyen-Orient, apprécient son caractère exotique et la recherchent à leur retour en Suisse. Par ailleurs, la présence de nombreux restaurants libanais à Genève a permis de populariser cette manière de fumer.
Ce sont surtout les jeunes qui adoptent la pipe à eau. Pour Swann, 19 ans, l’attrait du narguilé vient du fait qu’il est plus léger que la cigarette et plus agréable en raison de ses différents parfums. Même les non-fumeurs se prennent au jeu.
«La fumée, froide, ne brûle pas la gorge et ne laisse qu’un goût parfumé dans la bouche», dit Sven, 30 ans, qui a arrêté de fumer il y a cinq ans, mais fait exception pour la shîsha. Les Genevois sont prêts à payer un prix souvent élevé (de 15 à 25 francs) pour partager une pipe à eau sur une terrasse; à leurs yeux, la convivialité vaut bien cela.
