La vente de tabac brut a bondi de 40% en Suisse l’an dernier. Un phénomène qui s’explique surtout par une taxation avantageuse.
«Depuis que je fume du tabac à rouler, j’économise 120 francs par mois. Ma consommation baisse et j’ai le sentiment de fumer un produit de qualité supérieure.» Comme Gaël Gillabert, économiste de l’environnement basé à Genève, de plus en plus de fumeurs optent pour le tabac à rouler, considéré comme plus naturel et plus économique que la cigarette traditionnelle.
La marque de tabac American Spirit, qui se vante d’être «sans additifs chimiques», illustre bien cette évolution des mentalités. Fondée par deux amis à Santa Fe, elle est aujourd’hui distribuée dans de nombreux pays et connaît un large succès auprès des jeunes, attirés par l’image saine du produit, mais aussi par son prix avantageux.
En effet, un paquet de 35 grammes coûte 5 fr. 90 et permet de rouler en moyenne 40 cigarettes, soit l’équivalent de deux paquets normaux pour le prix d’un seul. Philip Morris, conscient qu’il s’agit là d’un segment en pleine croissance, a lancé le 1er juin de cette année le tabac à rouler de sa marque Chesterfield au prix de 4 francs pour 30 grammes.
«En Suisse, le tabac à rouler est taxé sept fois moins que les cigarettes en paquet, ce qui est une exception en Europe. Pourtant, le tabac est le même, à part qu’il est un peu plus humide que celui des cigarettes», souligne Marc Fritsch, porte-parole du groupe.
Chez British American Tobacco, qui vend par le biais d’une filiale la marque Samson au prix de 4 fr. 90 les 40 grammes, Laurent Comtet, responsable de la communication, remarque aussi la progression du marché: «En Suisse, les ventes totales de tabac à rouler sont passées de 131 tonnes en 2003 à 184 tonnes en 2004, ce qui constitue une progression de 40%. Mais cela ne représente que 0,4% du marché total des cigarettes.» Ce segment prioritaire permet d’ailleurs à BAT de conserver une part de marché plus que confortable sur le tabac de 43,8%, juste derrière Philip Morris avec 46,4%.
Cette nouvelle manière un peu bohème de fumer ne doit cependant pas faire oublier que ce type de tabac, même sans additifs, contient toujours du goudron et de la nicotine. Les fabricants eux-mêmes souhaiteraient que le prix du tabac à rouler augmente, en partie pour freiner la consommation des plus jeunes. Marc Fritsch souligne que «pour des raisons de santé publique, il serait souhaitable d’harmoniser peu à peu la taxation du tabac à rouler et celle des cigarettes». Les «rouleurs» pourraient donc eux aussi bientôt passer à la caisse.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 30 juin 2003.
