Le général bosno-serbe Momir Talic vient d’être piégé et arrêté sur mandat du TPI. Son arrestation pose quelques questions sur la transparence de la justice internationale.
Le mercredi 25 août dernier, le général Momir Talic était arrêté à Vienne. Le soir même, ce commandant de l’armée de la République serbe de Bosnie (une république issue des accords internationaux signés à Dayton en automne 1995) dormait dans la prison de l’ONU à La Haye. Il est accusé de «crimes contre l’humanité» par la procureur Louise Arbour du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
A la lecture de la nouvelle, il est probable que peu de gens se sont apitoyés sur le sort de ce matamore nationaliste serbe qui a fait régner la terreur pendant des mois dans les zones de son pays habitées par des Musulmans. Mais en y regardant de plus près, il faut tout de même poser quelques questions dérangeantes.
Ainsi, ce général a été appréhendé sur la base d’un mandat et d’une inculpation demeurés secrets. Dès sa capture, le TPIY s’est empressé de signaler que personne n’était au courant, sauf la police autrichienne qui a reçu l’ordre (et le mandat) de s’exécuter sans délai. En se rendant à Vienne, Talic ne savait donc pas ce qui l’attendait, mais comme le font remarquer des juristes, «il pouvait s’y attendre».
Certes. Mais le général Talic exerce de hautes fonctions dans un Etat placé sous un contrôle international exercé par l’OSCE et l’ONU. C’est afin d’assister à une réunion organisée par l’OSCE qu’il s’est rendu à Vienne pour tomber dans le piège tendu par Louise Arbour.
Au vu de ces éléments, je pensais trouver dans la presse internationale de doctes commentaires pour expliquer ce curieux tour de passe-passe juridique. Or les jours filent et rien ne vient. Comme si s’interroger sur l’arrestation d’un général bosno-serbe en déplacement à l’étranger risquait de remettre en cause la crédibilité de l’enquête en cours contre Pinochet (général retraité) et, surtout, celle du mandat décerné contre le président Milosevic.
Cela signifie que la justice internationale est loin d’être au point. La tactique suivie par la procureur Arbour, même si elle remplit un tout petit peu la prison onusienne (34 arrestations sur plusieurs dizaines d’inculpations), pèche par la forme: la justice doit être transparente, les inculpations publiques.
Même à la pire époque de la conquête du Far West, on placardait les troncs d’arbre de «Wanted». Que les inculpés profitent de leur situation pour se planquer, peu importe. La valeur de la justice, surtout à ce niveau, est symbolique.
De plus, je ne vois pas comment il est possible de rétablir la paix après une guerre civile si les interlocuteurs sont arrêtés précisément lorsqu’ils exercent leurs fonctions d’interlocuteurs. Tout cela rappelle l’époque où le sultan pouvait jeter au fond d’un puits un ambassadeur quelconque sous prétexte que sa bobine ne lui revenait pas.
Ce Tribunal international exerce en réalité une justice de pauvre pour les pauvres, avec de pauvres moyens. Les Etats-Unis qui font semblant de se réjouir de ses progrès refusent absolument que cette justice puisse s’appliquer à eux-mêmes; ils ont par conséquent refusé de signer les accords internationaux.
On les comprend: comme la justice internationale se veut non seulement secrète, mais aussi rétroactive, Washington n’a pas envie de voir ses fiers stratèges de la guerre du Vietnam ou du Golfe échouer à La Haye. Cela dit sans parler des héros qui lâchèrent les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki alors que la guerre était déjà largement gagnée.
Et personne ne tient le compte sinistre des morts irakiens, victimes depuis dix mois des incessants bombardements anglo-américains. Vendredi 3 septembre, une région au sud de Mossoul a été bombardée lors d’une «patrouille de routine de la force américano-européenne», comme le dit délicieusement la dépêche Associated Press.
L’Irak, c’est où ? Ailleurs.
