Le Conseil fédéral vient de proposer un lot de mesures visant à éviter la violence lors de manifestations sportives. Avec la création préalable d’une banque de données nationale fichant les hooligans (ils seraient environ mille), ces mesures prévoient d’interdire de stade les personnes qui auraient déjà pris part à des actes de violence lors d’événements sportifs.
De plus, certains hooligans actifs en Suisse auraient l’interdiction d’aller à l’étranger prendre part à des manifestations sportives. Inversément, l’Office fédéral de la police (Fedpol) pourrait interdire l’entrée en Suisse de personnes ayant commis des actes de violence hors des frontières.
Dans l’imaginaire collectif, le portrait du hooligan ressemble à peu près à ceci: jeune, pauvre, d’origine anglo-saxonne, mal inséré socialement, délinquant dans la vie quotidienne, étranger au monde du foot, il viendrait au stade pour y commettre des méfaits, imbibé d’alcool, se revendiquant d’une idéologie d’extrême droite ou appartenant à des groupuscules néo-nazis.
Cette représentation mérite quelques corrections. Certes, le hooliganisme se caractérise par des violences physiques entre supporters ou avec les forces de l’ordre et des déprédations de biens matériels à l’intérieur ou à l’extérieur des stades. Mais il n’est depuis bien longtemps plus le seul fait des Anglo-Saxons même si, étymologiquement, c’est outre-Manche qu’est né ce terme.
Hooligan viendrait en effet d’un nom propre irlandais, Hoolihan, une famille particulièrement violente sous le règne de la reine Victoria. Puis, coquille d’imprimerie, le g et le h se jouxtant sur le clavier, l’expression «hooligan» est née. C’est ensuite dans l’ ex-URSS que le terme a été le plus fréquemment utilisé pour désigner un jeune individu hostile au régime et coupable de comportements jugés asociaux.
Les nombreuses recherches qui se sont intéressées à la question du hooliganisme concordent sur ce point: le hooliganisme est le fait de supporters et non d’individus extérieurs au football. Le hooliganisme est «la dérive extrême du supportérisme», selon le sociologue Alain Ehrenberg, qui estime que «les violences des hooligans cherchent à déplacer les pôles de visibilité du terrain vers les gradins».
Comment naît une vocation de hooligan? L’exemple d’Alex, un fan du Paris St-Germain, nous propulse au vif du sujet.
«Je suis contre la violence. Je n’ai jamais levé la main sur personne de toute ma vie. Ni jeté de fumigènes sur une pelouse comme 99,99% des supporters. Comme vous, je suis quelqu’un de calme, posé … », ecrit-il. Alex est pourtant devenu hooligan.
Soumis à des contrôles serrés, notre supporter non violent pète les plombs. «Je me retrouvais donc là, à l’extérieur du stade pendant que le match se déroulait. J’ai payé ce match, car abonné, mais il est d’ores et déjà gâché. Je suis humilié. Je me sens comme un chien à qui l’on va mettre une muselière avant de le laisser entrer dans la maison sauf qu’à la place, on va me tripoter des pieds à la tête. (…) Je suis passé d’un statut d’humain à celui de dangereux cleb en une soirée.
«Traitez les gens comme des animaux et ils se comportent comme tels. Il n’y a donc pas 36 cas de figure quand on prend les gens pour du bétail. Soit on accepte d’être humilié, soit … on charge. Merci de m’avoir converti au hooliganisme.»
Si, en chaque supporter sommeille un hooligan, la prévention, perçue souvent comme de la suspicion, ne va-t-elle pas le réveiller? La promotion d’une forme d’autorégulation au sein des fans eux-mêmes, d’une «culture de fan» grâce à des «fan projets» capables d’endiguer les débordements est le pari pris en Allemagne.
Zürich et Bâle s’y intéressent aussi et ont déjà créé des postes rémunérés de «Fanarbeiter».
Josef Zindel, porte-parole du FC Bâle, admet que chacun bricole des mesures mais que «personne ne connaît vraiment la solution aux problèmes actuels de violence».