Tordre un torchon et sourire en observant le dégoulinement de l’eau. Fermer les yeux et caresser l’émail de la baignoire avec une éponge.
Saisir d’une main le cadre d’une porte et, de l’autre, balader sensuellement un chiffon humide de haut en bas. Puis de bas en haut. Transformer le manche d’un balai en partenaire de danse et virevolter dans le salon.
J’ai trouvé ces exercices, et bien d’autres encore, dans «Wellness beim Putzen» (HEP Verlag), un bien curieux petit ouvrage.
Katharina Zaugg, son auteur est bâloise. Grâce à une expérience d’une quinzaine d’années, cette «technicienne de surface» donne des cours de nettoyage écologique et prépare une thèse de doctorat en ethnologie sur les arts ménagers.
«Pourquoi diable dévalorise-t-on les tâches ménagères?» Le nettoyage est à ses yeux une véritable source d’énergie, l’occasion de bouger harmonieusement, de se détendre. Elle entend bien en revaloriser le statut.
Une étude publiée en Grande-Bretagne rejoint le point de vue de l’ethnologue suisse. On y apprend qu’il y a cinquante ans, les femmes étaient en bien meilleure forme parce qu’elles faisaient davantage de travaux ménagers. Les rudes tâches qui étaient alors leur lot quotidien étaient beaucoup plus efficaces pour perdre du poids que les méthodes modernes de régime minceur ou les séances de fitness.
Les femmes passaient en moyenne trois heures par jour à s’occuper de l’entretien de la maison et marchaient jusqu’à une heure pour faire leurs courses, brûlant deux fois plus de calories que celles d’aujourd’hui.
Si ce type de motivation ne devait pas suffire, il se pourrait qu’une émission de TV parvienne à modifier notre regard sur les seaux et les serpillières. «How clean is your house?», qui passe sur les petits écrans britanniques, met en scène Kim et Aggie, deux expertes en propreté domestique. On les suit dans des logements pas vraiment clean où elles dispensent leurs précieux conseils d’hygiène.
De quoi rendre insupportable le moindre brin de poussière dans son chez soi…
Cet étonnement ethnologique porté sur la «poutze» s’accompagne d’un autre phénomène, lié aux débarras. On sait désormais qu’ils constituent un observatoire privilégié de l’obsolescence technologique.
Je me souviens avoir lu dans un magazine féminin une astuce pour bien trier. A chaque chose difficile à débarrasser, je dois me poser ces deux questions: «Cet objet est-il utile?», «Cet objet m’apporte-t-il du bonheur?» Si c’est non, ouste!
Pour les vêtements, les bibelots, la vaisselle, les meubles même, pas de problème. Ils ont vécu, sont souvent en mauvais état. Mais, face aux centaines de cassettes audio enregistrées avec soin en prévision de journées qui compteraient plus de vingt-quatre heures, je me rends à l’évidence. C’est plus facile à dire qu’à faire et pourtant, quel gain de place en jeu!
Oui, elles devaient toutes m’apporter du bonheur, ces émissions hyper intéressantes de France Culture. Idem pour ces vidéos diffusées en fin de soirée et que je me réjouissais de visionner durant les week-end pluvieux. Si, par miracle, ces moments convoités devaient arriver, ma nouvelle installation multimédia ne reconnaîtrait même plus ces produits renvoyant à un monde englouti.
Mes cassettes ont passé dans des cartons Chiquita — ces sortes de sas — avant de rejoindre la poubelle. Encore heureux que je ne me sois pas mise aux mini-disques. Ils auraient connu, après une existence plus brève encore, le même sort.
Pour mes CD, estimant qu’ils occupaient trop de place, j’ai succombé à une publicité pour des fourres permettant de «gagner une place folle». Méfiez-vous, leur transfert est un vrai travail de bénédictin. Quand j’arriverai à son terme, mes CD seront sans doute devenus obsolètes…