La bière gay sort du placard

Encore trois mois. En juillet, Michael Hutmacher pourra enfin quitter son emploi dans la finance et se consacrer pleinement à l’entreprise qu’il a créée avec ses copains Markus et Guido. Leur nouvelle marque de bière, lancée en janvier, est déjà vendue dans une dizaine de bars de Zurich à Saint-Gall et, chaque semaine, de nouveaux établissements l’ajoutent à leur carte.

Prochaine étape: l’exportation en Allemagne, Autriche, Danemark et Belgique. Et ensuite le reste du monde. «On se rend compte que notre produit touche un marché beaucoup plus large que prévu», dit Michael.

Des trois associés, c’est Markus qui a eu l’idée de créer une nouvelle marque de bière, sans savoir exactement quel positionnement adopter. Et puis, Guido a eu l’étincelle: une bière 100% gay, brassée spécifiquement pour les homosexuels! Avec un tel concept, ils n’ont eu aucune peine à convaincre Michael de se joindre à eux.

Les trois associés ont mis chacun 7000 francs dans l’aventure, et la société Lemonheads a pu être inscrite en novembre au Registre du commerce de Zoug. Pour la production, une petite brasserie argovienne – Erusbacher Bräu, dirigée par un ami de Michael – a été mandatée. Quant au nom du produit, il s’est vite imposé: en plus d’afficher clairement la couleur, Queer Beer («bière pédée») avait l’avantage de la rime. Presque un slogan.

C’est quand il a fallu sélectionner une bouteille que les trois associés ont eu leur plus grosse surprise. «Nous avons trouvé ce modèle (un flacon doté d’un imposant goulot, avec un anneau en relief à sa base, ndlr) en Allemagne, rigole Michael. Il existait depuis longtemps. Evidemment, nous l’avons tout de suite adopté!»

Pour l’instant, la Queer Beer n’est diffusée que dans les bars gay et par internet. Sera-t-elle distribuée également hors ghetto, pour permettre aux gays d’afficher leur identité de manière ouverte et relax? «Ce n’est pas le concept, dit Michael Hutmacher. Nous nous concentrons sur les soirées gay. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a choisi ce logo bleu et blanc, qui réagit bien à la lumière UV.»

Un look d’energy-drink technoïde qui ne fait pas l’unanimité chez les diffuseurs. «Dommage que l’étiquette ne soit pas plus élégante, regrette Michael Doswald, partenaire du Barfüsser, un sushi bar gay zurichois qui distribue la Queer Beer. Car il y a une vraie curiosité des clients. Ils l’essaient et en aiment bien le goût. Nous avons mis des affichettes dans le bar pour la faire connaître.»

Prochaines étapes: des partenariats avec des soirées et concours de la scène, style «Mr. Gay 2005». Mais il serait faux de voir dans la Queer Beer le signe d’un repli communautariste. C’est avant tout une histoire d’amitié.

Deux des fondateurs, Michael et Markus, sont hétérosexuels. Avec Guido, leur associé et copain gay, ils préparent déjà les défilés (Christopher Street Day) qui fleuriront en juin dans diverses villes européennes et qui permettront à leur bouteille d’afficher fièrement son slogan en plein jour: «Proud To Be Queer!»