Le patron de la chaîne de palaces qui porte son nom vient d’acquérir Le Richemond, à Genève, pour près de 100 millions de francs. Il explique ses ambitions hôtelières à Largeur.com.
Rocco Forte porte bien son nom. L’entrepreneur règne avec force sur son empire hôtelier européen, qui s’est récemment étendu à la Suisse. Avec la même énergie, ce champion de triathlon (classé 11e de sa catégorie aux championnats du monde de 2002) court tous les matins, où qu’il se trouve, et prend son vélo avec lui en avion lors de la plupart de ses déplacements.
Rocco Forte a longtemps dirigé la Forte PLC, société fondée par son père Charles, qui l’a initié au métier dès l’âge de 14 ans. La société Forte comptait alors plus de 800 hôtels, 1’000 restaurants et près de 100’000 employés dans 50 pays.
Mais cela ne lui suffisait pas. Rocco Forte a donc monté son propre groupe hôtelier, dont l’objectif affiché est de contrôler un cinq-étoiles dans chaque grande ville d’Europe. Il est en passe de concrétiser.
Avec toute l’élégance due à son éducation britannique et ses origines italiennes, Rocco Forte nous a reçu dans son palace genevois, Le Richemond. Il explique ses projets.
Pourquoi avoir investi à Genève?
Nous voulons acquérir un magnifique hôtel dans chaque ville d’Europe. Genève nous semblait indispensable: centrale géographiquement, et avec une forte dimension internationale. En plus, il y avait l’opportunité d’y acquérir probablement le plus bel immeuble, et le mieux placé, de toute la ville. Quand mon ancien groupe exploitait Les Bergues, il y a quelques années, j’enviais déjà le Richemond. Cet hôtel sort du lot, y compris à l’échelle mondiale.
Qu’allez-vous changer dans cet hôtel?
J’ai renforcé l’équipe de vente et de marketing afin de dynamiser immédiatement le département commercial. Nous allons par ailleurs investir dans d’importants travaux de rénovation qui auront lieu l’an prochain. L’hôtel s’est un peu défraîchi et sa déco s’est démodée. Il s’agit de la moderniser tout en conservant son authenticité. C’est ma sœur qui se charge de superviser cet aspect. Nous engagerons par ailleurs un designer extérieur. Il y a un très fort attachement de la clientèle et de la population genevoise pour cet établissement, donc il faudra faire les choses intelligemment pour préserver le style et l’atmosphère du lieu.
Combien coûteront ces travaux?
Environ 50 millions de francs. A Londres, pour la rénovation de l’hôtel Browns, nous avons dépensé 18 millions de livres (41 millions de francs), soit un montant comparable. Les rénovations à Genève dureront un an et commenceront en automne 2005. Nous les effectuerons en plusieurs phases, pour ne pas devoir fermer l’hôtel.
Ces frais de rénovation s’ajoutent aux 98 millions dépensés pour l’acquisition. N’est-ce pas un prix démesuré pour un établissement qui ne compte qu’une centaine de chambres?
Avec les travaux, nous allons étendre la capacité de l’hôtel, qui occupera un nouveau bâtiment et un étage de plus. Il passera de 98 à 125 chambres, dont un nombre sensiblement plus important de suites. La rentabilité de l’hôtel sera augmentée, notamment en ajustant le tarif des chambres qui reste bas en comparaison internationale. Je pense que l’énorme valeur du bâtiment, et son emplacement unique, justifie le prix que nous avons payé. Pour dire les choses clairement, je ne suis pas un mécène ou un investisseur désintéressé: mon travail, c’est de faire de l’argent et d’investir intelligemment. Je suis obligé car je n’ai pas les poches profondes comme le propriétaire des Bergues, par exemple (rires).
Justement, que pensez-vous des acquisitions effectuées au prix fort par des investisseurs individuels comme le prince Al Walid (Bergues) ou Michel Reybier (La Réserve), qui ne sont pas des hôteliers?
Grâce à ces rachats, l’offre hôtelière genevoise haut de gamme est en train de s’améliorer considérablement. Je salue cette concurrence qui tire l’ensemble du marché vers le haut. Tout le monde en profitera car cela amènera plus de monde dans la ville. Plus que de veiller à limiter les coûts, la clé de la rentabilité dans l’hôtellerie consiste à faire venir plus de monde dans les hôtels, et de les faire payer plus cher!
Avez-vous d’autres projets en Suisse, notamment la reprise des autres hôtels du groupe Richemond comme celui de Bâle ou le Royal Savoy à Lausanne?
Ceux-là ne m’intéressent pas. En Suisse, je voudrais un hôtel à Zurich, pas forcément acheté, mais au moins sous gestion.
Et ailleurs en Europe?
Le chiffre d’affaire du groupe s’élève aujourd’hui à 100 millions de livres par années (230 millions de francs). Le taux d’occupation moyen dépasse les 70%. Nos établissements les plus rentables sont actuellement à Rome et à St-Petersbourg. Nous allons rapidement passer de 10 à 14 hôtels avec Francfort qui ouvre fin 2005, Berlin mi-2006, la Sicile et Munich en 2007.
Je veux procéder à des acquisitions à Prague, Amsterdam, Milan, Venise, Paris, Madrid, Moscou et Barcelone. Je veux arriver à 25 hôtels d’ici dix ans. Je m’arrêterai là car je veux pouvoir continuer de pratiquer une gestion personnalisée: passer dans chaque hôtel régulièrement.
Pour l’instant, je me rends au minimum quatre fois par an dans chaque établissement et je connais tout le monde. Au-delà de 25 hôtels, je devrais pratiquer un autre type de management. Je préfère par ailleurs m’arrêter à l’Europe car je ne comprends pas le marché asiatique et les Etats-Unis sont trop loin, sauf peut-être New York qui est une sorte «d’extension de l’Europe». Mais j’ai 59 ans et je ne veux plus supporter le décalage horaire chaque semaine.
